Des violences entre policiers et manifestants ont de nouveau éclaté en Grèce mercredi alors que la colère s'étend après la catastrophe ferroviaire qui a fait 57 morts. Certains réclament désormais la démission du gouvernement.
Keystone-SDA
08.03.2023, 16:18
08.03.2023, 16:22
ATS
Plus de 65'000 personnes ont crié leur indignation à travers la Grèce au cours d'une nouvelle journée de protestation marquée par une grève quasi générale dans les secteurs public et privé.
Devant le parlement à Athènes, des cocktails Molotov et des pierres ont été lancés par des manifestants en colère à l'issue d'un rassemblement de plus de 40'000 personnes, dont de nombreux jeunes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
La police a répliqué par des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes sur la place Syntagma, l'esplanade en contre-bas du Parlement.
Heurts à Thessalonique
Des heurts ont également eu lieu à Thessalonique, la deuxième ville du pays où quelque 15'000 personnes ont crié leur colère.
La Grèce est en proie à une vague d'indignation inédite depuis la crise financière de 2008-2018 avec des manifestations, de plus en plus violentes, qui se succèdent depuis la collision frontale entre un train de voyageurs et un convoi de marchandises le 28 février.
Cette «tragédie nationale», comme l'ont qualifiée les autorités, a été provoquée par des erreurs du chef de gare.
Mais la vétusté du réseau ferré, propriété de l'Etat, et de graves lacunes dans le système de sécurité ont été pointées du doigt pour expliquer ce drame.
«Ce gouvernement doit partir»
Dans le cortège athénien fleurissaient des pancartes appelant à la démission le gouvernement du conservateur Kyriakos Mitsotakis, dont la gestion de cet accident est jugée calamiteuse.
«Ce gouvernement doit partir», assure Niki Siouta, une ingénieure civile de 54 ans, rencontrée par l'AFP dans l'une des manifestations dans la capitale.
«Je suis ici pour rendre hommage aux morts mais aussi pour exprimer ma colère et mon ras-le-bol», ajoute-t-elle.
«Ce n'est pas un accident, c'est la politique», proclame aussi un tract de l'Union des élèves d'Athènes tandis que des jeunes scandent «Assassins, assassins».
«C'est ce même gouvernement qui ne donne pas d'argent pour l'éducation et pour les hôpitaux», s'indignait aussi Thanassis Oikonomou, un représentant syndical de la compagnie des bus d'Athènes.
De nombreux Grecs expriment leur amertume face à ce qu'ils considèrent comme une déliquescence des services publics depuis les plans d'austérité imposés par les créanciers de la Grèce pour sortir le pays du marasme.
Santé publique, éducation et transports ont subi d'importants coups de rabot depuis dix ans.
Cette collision ferroviaire est «la goutte d'eau qui fait déborder le vase», résume une autre manifestante, Spyridoula Togia, 30 ans, professeure dans un collège. «Le pays va mal», renchérit Giota Tavoulari, 58 ans, du syndicat des pharmaciens. «Les politiques qui mettent les profits au-dessus de la sécurité des citoyens, cela ne peut plus durer».
A Athènes où les défilés se succèdent depuis une semaine, des banderoles indiquaient également: «Appelle-moi quand tu arrives».
Ce slogan, qui fait référence au message que les parents grecs envoient généralement à leurs enfants, s'est répandu dans les rassemblements et les cours d'école. De nombreuses victimes de cet accident étaient des jeunes et des étudiants.
La Grèce est en outre quasiment à l'arrêt. Aucune liaison maritime n'est assurée entre le continent et les îles et les trains sont restés en gare pour le huitième jour d'affilée.
Les employés du service public ont également débrayé pour 24 heures, tout comme les enseignants du primaire, les médecins et les conducteurs de bus et de métro, rejoints dans les cortèges par les étudiants.
Sans qu'aucune alerte ne soit déclenchée, deux trains, l'un de voyageurs, l'autre de marchandises, ont circulé sur plusieurs kilomètres sur la même voie avant de se percuter frontalement, à Tempé, près de la ville de Larissa, à 350 km au nord de la capitale. Depuis, les Grecs demandent des comptes à leurs dirigeants.
Le chef du gouvernement, qui doit affronter des élections générales au printemps, est étrillé pour avoir quelques heures après la catastrophe assuré qu'il s'agissait d'"une tragique erreur humaine».
Or les syndicats de cheminots ont rappelé avec colère qu'ils avaient tiré la sonnette d'alarme sur les graves défaillances techniques sur cette ligne bien avant le drame, sans avoir été entendus.
Tout en promettant des indemnisations aux familles des victimes, le ministre des Transports, Giorgos Gerepetridis, a admis que l'accident aurait pu être évité si l'installation du «système global de gestion à distance avait été achevé».
Contrit, le Premier ministre a demandé dimanche pardon aux familles des victimes, un mea culpa jugé bien tardif pour beaucoup.