De Westminster à la téléréalité Les aventures d'un ex-ministre britannique exaspèrent

AFP

16.11.2022 - 18:25

De Westminster à la jungle australienne, avec scorpions et serpents: Matt Hancock, ancien ministre britannique de la Santé est devenu en quelques jours celui dont tout le monde parle, en rejoignant une émission de télé-réalité, ce qui exaspère nombre de ses collègues.

L'émission «Je suis une célébrité... Sortez-moi de là!» sur ITV a une saveur particulière depuis que Matt Hancock, 44 ans, toujours député, a rejoint le casting. 

L'idée est simple: des célébrités réunies dans une zone particulièrement hostile en Australie doivent relever des défis et éviter d'être éliminées par les téléspectateurs pendant leur séjour. 

En une semaine, l'ex-ministre de la Santé, qui était au gouvernement quand la pandémie de Covid-19 a éclaté, a dû manger des testicules de kangourou, s'est fait asperger de bave, a dû affronter des araignées et des cafards, a fait face à un impressionnant serpent en position d'attaque, s'est fait piquer par un scorpion, etc... 

Le public, qui vote, ne l'a pas épargné. Ses collègues de Westminster non plus: «Il y a pas mal de gens (...) à la Chambre des Communes et la Chambre des Lords, qui ont téléchargé une certaine application pour pouvoir voter», a révélé le ministre chargé de l'Irlande du Nord Chris Heaton-Harris. «Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose». 

Matt Hancock a été suspendu du Parti conservateur en raison de sa participation à cette émission.

Difficile d'échapper à ces aventures, qui font la Une de la presse et figurent même dans les journaux télévisés, dans un mélange des genres étonnant puisque Matt Hancock, depuis sa jungle, se laisse aller à des commentaires sur la politique britannique. 

Très bien payé

Mais pourquoi le député s'est-il infligé cela? 

Pour Mark Garnett, maître de conférence en politique à l'université de Lancaster, Matt Hancock n'avait «plus grand chose à perdre. (...) Sa carrière en politique était probablement terminée de toute façon». 

Devenu un visage familier des Britanniques au gré des conférences de presse pendant la pandémie, Matt Hancock a été poussé à la démission après un scandale politique, sentimental et sanitaire.

Le tabloïd The Sun a publié fin juin 2021 des images de vidéo-surveillance montrant le ministre, marié et père de trois enfants, embrasser fougueusement sa conseillère, à une époque où même les simples accolades étaient interdites.

«Beaucoup pensent que son mauvais travail comme ministre de la Santé a causé des décès qui étaient évitables», explique Mark Garnett.

Mardi, un avion avec un message destiné à Matt Hancock a d'ailleurs survolé la jungle pendant deux heures: «Les endeuillés du Covid disent: +Sortez d'ici+». 

Matt Hancock a mis en avant plusieurs raisons pour sa participation à l'émission, qui réunit des millions de téléspectateurs tous les soirs. Il aurait voulu utiliser cette vitrine pour parler de sa campagne sur la dyslexie. 

Il aurait aussi souhaité «aller où les gens sont, pas dans les tours d'ivoires de Westminster». «Il y a si peu de moyens pour les politiciens de montrer qu'ils sont des êtres humains», a-t-il dit dans l'émission.   

Matt Hancock toucherait, selon la presse, 400.000 livres (456.300 euros) pour participer à «Je suis une célébrité...», une émission qui dure à peine un mois.

«S'il gagnait l'émission, (...) il pourrait faire carrière à la télévision alors qu'il n'a plus aucune chance de faire carrière en politique», explique Mark Garnett. 

Le 1er novembre, le responsable de la discipline au sein du Parti conservateur Simon Hart a annoncé que le sujet était «suffisamment grave pour ordonner sa suspension avec effet immédiat».

Le Premier ministre Rishi Sunak n'a pas caché son mécontentement. «Je pense que la politique, dans sa meilleure forme, peut et doit être noble», a-t-il répondu aux journalistes qui l'interrogeait sur le sujet. «Il incombe à tous les membres du Parlement de faire les choses qui gagnent le respect des gens».

Des élus d'opposition ont appelé Matt Hancock à renoncer à son indemnité parlementaire.

Il n'est pas le premier politique à participer à cette émission. Nadine Dorries avait été également suspendue du Parti conservateur en 2012 pour avoir accepté d'y être. Ce qui ne l'a pas empêchée de devenir ministre de la Culture dans le gouvernement de Boris Johnson en 2021.