PologneDes cadeaux électoraux qui risquent de coûter très cher
ATS
11.10.2023 - 07:51
A l'approche des élections législatives du 15 octobre, l'essence distribuée par le groupe Orlen, contrôlé par l'Etat polonais, est vendue à un prix inférieur à celui du marché international. «Un cadeau électoral», concluent les experts, craignant que l'économie ainsi gérée ne ralentisse pour de bon.
Keystone-SDA
11.10.2023, 07:51
ATS
«La particularité de ce gouvernement est que sa politique économique est absolument dominée par les effets à court terme au détriment de toute considération pour le long terme», fait remarquer Witold Orlowski, le chef des experts au cabinet PwC Pologne.
Depuis l'arrivée au pouvoir en Pologne du parti populiste-nationaliste, en 2015, ce pays se vante de transferts sociaux très généreux ou, récemment, de programmes d'armement époustouflants.
Le doute persiste sur le fait de savoir s'il s'agit là de la marque d'une économie florissante ou bien plutôt d'un pouvoir qui jongle avec ses comptes à des fins politiques et électorales, dans un pays divisé entre, d'un côté, les partisans d'un gouvernement étatiste aux penchants autocratiques, méfiant face à l'UE, et, de l'autre, une opposition centriste, pro-européenne.
«Il est clair que la situation économique ne sera pas facile à gérer» par celui qui gagnera les élections, constate M. Orlowski. «Le soleil de septembre vient de s'éteindre et je pense qu'en Pologne, il s'éteindra également après les élections», prévient l'analyste interrogé par l'AFP.
C'est la consommation qui compte à présent et la dette, l'inflation ou les investissements, les facteurs jouant sur la croissance à long terme, importent moins.
L'inflation reste élevée en Pologne, l'UE prévoyant 11,4% sur 2023, alors que le taux global des investissements est tombé l'année dernière à son plus bas en plus de vingt ans, à seulement 16,7% du PIB, comparé à la moyenne européenne de 22,5%. La croissance d'ailleurs demeurera elle aussi faible, elle sera de +0,5% du PIB en 2023, selon l'UE
Manque de transparence
Même si la Pologne reste un pays toujours relativement peu endetté, avec une dette publique correspondant à environ 49% du PIB, «nous ne connaissons pas du tout l'ampleur de l'endettement, parce que les données sont déformées ou dissimulées par le gouvernement», regrette M. Orlowski.
Les experts relèvent notamment qu'une partie importante de la dette a été transférée hors du budget, vers différents fonds spéciaux, créés pendant la pandémie provoquée par le Covid. «Un tel manque de transparence des finances publiques est scandaleux», d'autant plus que cela continue «à plus grande échelle encore» pour ce qui est des achats d'armes, principalement aux Etats-Unis et en Corée du Sud, déclare l'expert de PwC.
Mais les analystes et les entrepreneurs dénoncent aussi l'instabilité législative et fiscale, le chaos dans la justice, le mauvais climat dans les relations avec l'Union européenne. En cas de victoire, l'opposition promet d'ailleurs surtout de rapidement régler les problèmes avec l'UE afin de débloquer les fonds gelés par Bruxelles à la suite d'atteintes à l'Etat de droit constatées en Pologne.
«Lutte fictive»
S'y ajoute «un mauvais système de gestion dans la majeure partie des groupes contrôlés par l'Etat, avec le contrôle informel des prix sur le marché de l'énergie», souligne dans le quotidien Rzeczpospolita Cezary Wojcik, professeur à l'Ecole centrale de commerce (SGH) à Varsovie.
La baisse des prix de l'essence a provoqué des pénuries dans plusieurs stations-service, les Polonais emmagasinant des carburants chez eux avant que «le miracle à la pompe» ne cesse après les élections. Les prix de l'énergie vont augmenter au 1er trimestre 2024, avec l'expiration des mesures gouvernementales en place dans le domaine de l'énergie, liées aux prix de l'électricité, du gaz, du charbon et du chauffage, selon la Commission européenne.
Tous ces dispositifs de protection ont freiné l'inflation, à 8,2% en septembre, et ont été suivies de deux baisses surprise des taux directeurs de la banque centrale NBP. «La lutte fictive contre l'inflation continue. Ce qui y compte, c'est d'améliorer l'ambiance parmi les Polonais», a estimé Mariusz Zielonka, un expert économique de l'organisation du patronat Lewiatan, dans un commentaire récent.
«La politique de la banque centrale a perdu son caractère économique et est devenue une couverture pour une politique ordinaire», constate M. Orlowski. Désormais, la question est de savoir «comment se comportera la Banque nationale de Pologne» en fonction des résultats des élections, souligne-t-il.
Stagflation
Le plus gros risque que la Pologne pourrait encourir est celui d'une stagflation, soit une croissance économique lente accompagnée de l'inflation.
Certes, ce pays «n'est pas menacé d'une catastrophe immédiate mais il a besoin d'un plan de stabilisation à moyen terme, qui, disons, d'ici trois ou quatre ans, lui permettrait de sortir progressivement de ses déficits», juge M. Orlowski. Bref, le contexte «n'est pas rose» pour celui qui voudra sortir la Pologne de cette zone de stagflation: «cela sera difficile mais pas désespéré», conclut l'expert de PwC.