Mujahid Mujahid : "Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z"

ATS

18.8.2021 - 21:57

Des responsables talibans ont rencontré mercredi d'anciens dirigeants afghans au lendemain de leurs promesses d'oeuvrer à la réconciliation nationale et de pardonner à leurs adversaires. Les Occidentaux ont prévenu toutefois qu'ils les jugeraient sur leurs «actes».

«Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger», a lancé un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid.
«Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger», a lancé un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid.
KEYSTONE

Keystone-SDA

Les talibans, qui cherchent à former un gouvernement, «ont dit qu'ils pardonnaient à tous les anciens responsables gouvernementaux, il n'est donc pas nécessaire que quiconque quitte le pays», a indiqué le groupe de surveillance des sites islamistes SITE.

Les talibans ont de leur côté diffusé des images de l'ancien président Hamid Karzai avec Anas Haqqani, un des négociateurs de leur mouvement. Ils ont également rencontré, toujours selon SITE, l'ex-vice président Abdullah Abdullah.

Réfugié aux Emirats arabes unis, le président déchu Ashraf Ghani a de son côté déclaré «soutenir» ces négociations et souhaiter «le succès de ce processus». Dans un message publié sur Facebook, il a également affirmé être «en discussions pour rentrer» dans son pays qu'il a fui ce week-end. Washington répète qu'Ashraf Ghani «n'est plus une personne qui compte en Afghanistan».

«Tout est pardonné»

A Kaboul même, la vie a commencé à reprendre, même si la peur prédomine. La capitale afghane était très calme mercredi, la plupart des administrations et des commerces étant fermés en raison de la fête chiite de l'Achoura. Nombre d'Afghans continuaient toutefois de se rassembler devant les ambassades, au gré des rumeurs sur la possibilité d'obtenir un visa ou l'asile.

Mardi, les talibans avaient tenté de rassurer la communauté internationale lors de leur première conférence de presse à Kaboul, deux jours après avoir pris le pouvoir. Le monde se souvient en effet de leur passif en matière de droits humains quand ils gouvernaient en 1996-2001 et s'alarme des images de milliers d'Afghans tentant de fuir par l'aéroport de Kaboul.

«Tous ceux qui sont dans le camp opposé sont pardonnés de A à Z. Nous ne chercherons pas à nous venger», a lancé un de leurs porte-parole, Zabihullah Mujahid. Et d'affirmer que les islamistes avaient appris de leur premier exercice du pouvoir et qu'il y aurait de «nombreuses différences» dans leur manière d'administrer leur pays, même si, idéologiquement, «il n'y a pas de différences».

Inquiétudes pour les femmes

Un message qui ne tranquillisait d'ailleurs pas les principaux intéressés : «Je cherche désespérément à partir (...) Les talibans détestent ceux qui ont travaillé pour d'autres organisations que leur mouvement», confiait ainsi un trentenaire afghan ayant travaillé pour une ONG allemande.

«Hier, je suis allé à l'aéroport avec mes enfants et ma famille, les talibans et les Américains tiraient sur les gens, mais, malgré ça, ils continuaient d'avancer parce qu'ils savaient qu'une situation pire que la mort les attendait dehors», racontait-il.

Autre signal négatif, la statue d'un homme politique de la minorité chiite hazara, Abdul Ali Mazari, tué alors qu'il était prisonnier des talibans dans les années 1990, a été partiellement démolie à l'explosif à Bamiyan (centre), ont indiqué mercredi des habitants sous couvert d'anonymat, dont plusieurs ont incriminé les talibans.

Et dans la ville de Jalalabad (est), des talibans ont tiré en l'air lorsque des habitants ont protesté contre le remplacement du drapeau afghan par celui du mouvement extrémiste, selon un média local.

Jugés sur leurs actes

Dans ce contexte, les Etats-Unis et l'UE, de même que 18 autres pays dont la Suisse, l'Australie, le Brésil et le Canada, se sont dits mercredi «profondément inquiets» pour les droits des «femmes et des filles en Afghanistan».

«Nous sommes particulièrement préoccupés par l'impact du conflit sur les femmes et les filles. L'éducation est un droit humain fondamental et est indispensable à l'exercice des autres droits humains et au développement de l'Afghanistan», a parallèlement réagi l'Unesco.

Londres ne travaillera «normalement» pas avec les islamistes, qui seront jugés «sur les actes, pas sur les paroles», a de son côté averti le Premier ministre britannique Boris Johnson. Les Etats-Unis pourraient reconnaître un gouvernement taliban s'il «préserve les droits fondamentaux de son peuple», en particulier des femmes.

Evacuations

Les Etats-Unis et les autres pays occidentaux poursuivaient en outre leurs évacuations mercredi, dans des conditions difficiles. L'Union européenne doit accueillir les Afghans faisant l'objet d'une «menace immédiate» avec l'arrivée au pouvoir des talibans, a déclaré la commissaire européenne Ylva Johansson, appelant les Etats membres à «accélérer» leurs opérations d'accueil de réfugiés sur leur sol.

De son côté, l'Autriche demande d'ores et déjà que l'UE prévoie des «centres de rétention» dans des pays voisins de l'Afghanistan pour les migrants afghans qui seront expulsés d'Europe.