Hong KongDes sentiments partagés avant la réouverture de la frontière
ATS
6.1.2023 - 08:01
«Je suis si soulagé»: pour de nombreux Hongkongais ou Chinois continentaux comme Roy Wang, la réouverture de la frontière entre les deux territoires est un changement majeur, après une quasi fermeture de presque trois années ayant séparé des proches, interrompu le tourisme et suspendu la plupart des voyages d'affaires.
Keystone-SDA
06.01.2023, 08:01
ATS
Des dizaines de milliers de personnes pourront voyager quotidiennement entre Hong Kong et la Chine à partir de dimanche, dans le cadre d'un assouplissement majeur de la politique stricte de «zéro Covid», avec un quota initial d'au moins 60'000 voyageurs dans chaque direction.
Roy Wang, ingénieur à Shanghai dont la compagne réside à Hong Kong, compte désormais raviver la flamme dans son couple, durement contraint à la distance durant la pandémie, en lui rendant visite «après avoir attendu si longtemps». «On s'est tellement disputés avec ma copine. C'était vraiment pénible à gérer», explique à l'AFP l'homme de 23 ans.
Durement frappée, l'économie hongkongaise cherche à renouer avec sa principale source de croissance qu'est le continent. Des familles séparées attendent avec impatience le Nouvel An lunaire courant janvier pour se retrouver. Depuis l'annonce, jeudi, de la réouverture de la frontière, plus de 280'000 Hongkongais se sont inscrits en ligne pour se rendre en Chine continentale.
Hôpitaux sous pression
Mais à Hong Kong, tout le monde ne partage pas cet enthousiasme. Certains craignent un afflux de patients dans des hôpitaux déjà surchargés et une course aux produits médicaux dans une des villes les plus densément peuplées du monde.
La réouverture de la frontière survient en pleine envolée des infections au coronavirus en Chine après l'abandon soudain du «zéro Covid», et alors que Hong Kong connaît aussi une vague hivernale, avec un taux d'occupation des lits d'hôpitaux de 120%. «Je trouve assez curieux que les autorités aient choisi de rouvrir la frontière maintenant, alors que l'épidémie progresse sur le continent», déclare à l'AFP un médecin hospitalier ayant requis l'anonymat.
Pour Siddharth Sridhar, virologue clinicien à l'université de Hong Kong, le système de santé s'en sort bien malgré une pression accrue. «L'une des raisons (...) est que la population locale possède de hauts niveaux d'immunité hybride», c'est-à-dire par infection et vaccination, explique-t-il à l'AFP.
Ces dernières semaines, les Hongkongais se sont rués sur le paracétamol et d'autres médicaments contre la fièvre, dévalisant les pharmacies pour fournir leurs proches continentaux. Des hôpitaux privés ont commencé à faire de la publicité pour des vaccins occidentaux à ARN messager qui n'ont pas encore l'approbation de Pékin sur le continent.
Le gouvernement hongkongais a promis que le système hospitalier et le programme de vaccination ne seraient pas affectés par la réouverture de la frontière.
Le ministre de la Santé Lo Chung-mau a déclaré jeudi que les visiteurs ne pourraient pas bénéficier de la vaccination gratuite à Hong Kong, bien que les hôpitaux privés soient libres de facturer des doses. Les visiteurs infectés devront payer pour bénéficier de l'hôpital public, a-t-il ajouté, précisant que des stocks de produits médicaux ont été préparés.
Nouveau souffle
Les entreprises hongkongaises se réjouissent de l'afflux attendu de nouveaux arrivants dont elles ont grandement besoin. Les Chinois continentaux ont longtemps constitué la grande majorité des visiteurs de Hong Kong, 51 millions d'entre eux y ayant posé le pied en 2018, soit sept fois la population totale de la région.
Leur absence a durement frappé l'économie locale, notamment le tourisme et le commerce de détail. Certaines parties de Hong Kong, autrefois truffées de boutiques de luxe à destination des continentaux, affichent aujourd'hui des façades de commerces vacants, tandis que les loyers commerciaux se sont effondrés.
L'universitaire Grace Cao se réjouit de ce nouveau souffle pour l'économie mais se prépare aussi à retrouver une ville très dense. «Je crains que les conflits entre les locaux et la population continentale ne réapparaissent et ne s'aggravent, d'autant plus qu'aujourd'hui Hong Kong n'a plus autant d'espace de parole et d'expression qu'auparavant», confie-t-elle à l'AFP.
L'hostilité de locaux envers les Chinois continentaux et le tourisme effréné ont constitué un des facteurs ayant favorisé les manifestations massives pro-démocratie de 2019, à l'issue desquelles Pékin a imposé une loi de sécurité nationale pour éradiquer la dissidence. Pour Eric Chan, un Chinois du continent exerçant à Hong Kong dans le secteur de la finance, sa ville d'adoption est très différente d'avant la pandémie.
Les restrictions de voyage ont été associées à «une restriction par le gouvernement des droits fondamentaux de la population», estime-t-il, demandant à utiliser un pseudonyme. «Ce que le gouvernement fait maintenant, c'est assouplir quelques mesures anti-Covid, mais ces droits ne retrouveront pas leur niveau d'antan.»