Ministres en colère Tiraillements au sommet d'Israël - «fissures» au sein du cabinet de guerre

ATS

19.5.2024 - 08:01

Des dissensions sont apparues au sommet de l'Etat israélien autour du scénario de l'après-guerre dans la bande de Gaza, au moment où le gouvernement affirme y mener la «bataille décisive» pour anéantir le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (G) et le ministre de la Défense Yoav Gallant (D) côte à côte, le 28 octobre 2023. Les tensions sont désormais palpables entre les deux hommes. (archives)
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu (G) et le ministre de la Défense Yoav Gallant (D) côte à côte, le 28 octobre 2023. Les tensions sont désormais palpables entre les deux hommes. (archives)
KEYSTONE

En entrant dans le 8e mois de guerre, l'armée israélienne a lancé le 7 mai des opérations au sol à Rafah, localité adossée à la frontière égyptienne à la lisière sud de la bande de Gaza, où se cachent, selon elle, les derniers bataillons du Hamas.

Mais la bataille à peine lancée, le ministre israélien de la défense Yoav Gallant a, le 15 mai, pressé le premier ministre Benyamin Netanyahou de préparer l'après-Hamas. «La fin de la campagne militaire doit s'accompagner d'une action politique», a-t-il martelé s'opposant publiquement au premier ministre, qui, peu avant, avait écarté «toute discussion sur l'avenir de la bande de Gaza» avant que «le Hamas soit anéanti».

Colère de ministres

«Une alternative gouvernementale au Hamas va être préparée immédiatement», a martelé M. Gallant, indiquant clairement qu'il s'opposerait à ce que la bande de Gaza soit placée sous administration civile ou militaire israélienne et sommant M. Netanyahou de déclarer que ce ne sera pas le cas.

Ces propos ont suscité la colère de ministres du gouvernement, parmi lesquels les ministres des finances Bezalel Smotrich et de la sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, chefs de deux petits partis d'extrême droite, acteurs-clés de la coalition gouvernementale, qui ont appelé au départ de M. Gallant.

«Avec les critiques de Gallant [...] des réelles fissures sont apparues au sein du cabinet de guerre israélien», estime sur le réseau social X (ex-Twitter) Colin P. Clarke, directeur de recherche au centre de réflexion Soufan Group.

Et, avertissent les experts, faute de trouver un remplaçant au Hamas qu'Israël considère comme terroriste, celui-ci ne pourra être vaincu. «Sans alternative pour remplir le vide, le Hamas continuera de prospérer», indique à l'AFP Mairav Zonszein, analyste de l'International Crisis Group (ICG).

«Prix à payer»

«Si le Hamas est laissé seul dans Gaza, bien sûr, il apparaîtra ici et là et l'armée israélienne sera contrainte de courir partout», abonde dans le même sens Emmanuel Navon, professeur à l'université de Tel-Aviv.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire d'Israël, pressent aussi M. Netanyahou d'éviter d'être englué, après le conflit, dans une interminable campagne de contre-insurrection. Washington a estimé à la fin mars qu'une «autorité palestinienne redynamisée» pouvait jouer un rôle pour «créer les conditions d'une stabilité à la fois en Cisjordanie et dans Gaza», territoires palestiniens toujours considérés comme occupés au regard du droit international.

Cette idée a été balayée par M. Netanyahou, pour qui l'autorité palestinienne (AP), chassée de Gaza en 2007 par le Hamas et qu'il accuse de «soutenir» et «financer le terrorisme», n'est «certainement pas» une option pour diriger la bande de Gaza.

Pour Yoav Gallant, «le 'jour d'après le Hamas' n'existera qu'avec des entités palestiniennes prenant le contrôle de Gaza, accompagnées par des acteurs internationaux».

«C'est, par-dessus tout, dans l'intérêt de l'Etat d'Israël», car «l'administration militaire de Gaza deviendrait le principal effort militaire et sécuritaire» d'Israël ces prochaines années et «le prix à payer serait un bain de sang [...] ainsi qu'un lourd coût économique», a-t-il estimé.

Combats «acharnés»

La guerre a été déclenchée par l'attaque sanglante menée par le Hamas dans le sud d'Israël, qui a entraîné la mort, côté israélien, de plus de 1170 personnes, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

En riposte, Israël a lancé une offensive tous azimuts sur la bande de Gaza, qui a déjà fait plus de 35'000 morts, selon des données du ministère de la santé du gouvernement de Gaza dirigé par le Hamas.

Et alors qu'Israël dit avoir entamé la «bataille décisive» de Rafah, les soldats israéliens affrontent à nouveau depuis le 12 mai des combattants du Hamas dans le nord du territoire. L'armée avait pourtant proclamé en janvier avoir «achevé le démantèlement de la structure militaire» du Hamas dans le nord.

Elle admet désormais mener, à Jabaliya, ses combats «peut-être les plus acharnées» dans cette zone depuis le début de son offensive terrestre le 27 octobre, un signe que «l'anéantissement» du Hamas, un des objectifs de la guerre, n'est peut-être pas si proche.