Late Night USA «Toute ressemblance avec la réalité est purement fortuite»

Philipp Dahm / pab

10.1.2019

Vrai ou faux? Après (et avant) le dernier discours de Donald Trump, de grands animateurs de talk-show américains démolissent avec délectation l’allocution présidentielle. Cependant, tout le monde ne prend pas cela à la légère.

Où suis-je? Seth Meyers imite Trump dans le bureau ovale.
Où suis-je? Seth Meyers imite Trump dans le bureau ovale.
Screenshot: YouTube

«Ce soir, le président Trump a prononcé sa première allocution retransmise en direct depuis le Bureau ovale», déclare l’animateur au début de son émission «Late Night with Seth Meyers».L’émission a été enregistrée avant la diffusion de l’allocution. La parodie commence avec Donald Trump dans son bureau: «Elle aurait peut-être eu plus de poids s’il n’avait pas commencé comme ça: c’est donc ça, le Bureau ovale??? Waw… Ça en fait de l’histoire… »



On peut supposer que si Seth Meyers et ses rédacteurs avaient vraiment vu l’allocution de Donald Trump, l’animateur aurait repris les thèmes utilisés par le républicain dans son discours.

Le collègue de Seth Meyers, Stephen Colbert, fait quant à lui preuve d’une plus grande honnêteté. «Nous enregistrons à 17h40», avoue l’ancien correspondant de la Maison-Blanche. «Au moment de la diffusion de l’émission, nous faisons soit face à un nouvel état d’urgence — ou sommes encore et toujours plongés dans celui que nous vivons depuis novembre 2016», déclare-t-il dans son «Late Show» — Stephen Colbert fait ici allusion à la victoire de l’actuel président des États-Unis.

Crise, crise, crise

La chaîne câblée CBS a dû interrompre sa série «FBI» pour retransmettre le discours. Et «ce n’est pas la première fois que Donald Trump interfère avec une enquête du FBI», plaisante Stephen Colbert, faisant ici référence aux investigations de Robert Mueller. Cependant, l’homme réussit lui aussi à anticiper correctement une des tactiques de Donald Trump: la question est de savoir qui est responsable de l’actuel «shutdown» qui met à mal les finances du gouvernement américain.

Les mains dans les poches, mais pas la langue: Stephen Colbert.
Les mains dans les poches, mais pas la langue: Stephen Colbert.
Screenshot: YouTube

Souvenez-vous: dans son allocution, Donald Trump a fait de sérieux reproches aux démocrates à ce sujet. «Il y a la crise humanitaire, une crise des cœurs et une crise de l’âme», a déclaré l’homme de 72 ans. Comme l’opposition politique ne veut pas débloquer d’argent pour la construction du mur frontalier promis par Trump, le pays va être envahi par la drogue. «Chaque semaine, 300 de nos concitoyens meurent rien qu’à cause de l’héroïne. 90 pour cent de cette héroïne arrive chez nous par notre frontière méridionale. Cette année, l’héroïne va tuer plus d’Américains que la guerre du Vietnam.»



Stephen Colbert montre alors une vidéo qui a été enregistrée il y a un bon mois. On y entend Trump menacer le démocrate Chuck Schumer depuis la Maison-Blanche: «Je suis fier de mener à bien le shutdown du gouvernement pour la sécurité des frontières. Je serai l’initiateur du shutdown. Je ne vous en rendrai pas responsables.» Une stratégie qui aurait cependant été déjouée par le «principal adversaire» de Trump: «sa bouche».

Et qu’en est-il de Jimmy Kimmel? Il est le seul de ces personnalités de la télé à pouvoir s’exprimer sur ce qui a été dit. Car Kimmel possède un avantage temporel: il enregistre son émission sur la côte Pacifique, reste sur place jusqu’à la fin du discours — et contre-attaque.

Jimmy Kimmel ne mâche pas ses mots

«Le président a interrompu les programmes sur toutes les chaînes pour nous prévenir de quelque chose de complètement inventé. Son discours a duré environ dix minutes. Huit minutes de plus que d’habitude d’après Stormy Daniels», commence Jimmy Kimmel. Avant, les chaînes auraient même dû diffuser un avis de non-responsabilité, qui est bien évidemment inventé, mais particulièrement clair :

«Le discours présidentiel suivant est une œuvre fictive. L’ensemble des personnes, faits, évènements et lieux sont le fruit de l’imagination du président. Toute ressemblance avec la réalité est purement fortuite.»

Mais une question demeure: comment démêler le vrai du faux? «PBS» a analysé les propos du président. D’après la chaîne américaine publique, les points suivants ne tiennent pas la route:

– On ne constate pas de hausse générale du trafic de drogue à la frontière avec le Mexique. Si des quantités particulièrement élevées de méthamphétamine et de fentanyl ont été saisies sur place durant les exercices 2017 et 2018, la grande majorité des stupéfiants destinés au marché américain arrive par voie portuaire.
– Trump a déclaré que de nombreux criminels traversaient la frontière. Leur nombre s’élèverait à 17 000. Cependant, ce chiffre fait référence aux tentatives d’entrée sur l’ensemble du territoire qui ont échoué.
– 3000 candidats à l’immigration classés terroristes ont été refusés, principalement aux aéroports.
– Trump prétend que des terroristes montent des campements à la frontière. En 2017, le ministère des Affaires étrangères avait déjà démenti une déclaration similaire.

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