Nigeria Douze manifestants tués à Lagos

ATS

21.10.2020 - 21:51

Les jeunes Nigérians manifestent contre les violences policières.
Les jeunes Nigérians manifestent contre les violences policières.
Source: KEYSTONE/EPA/AKINTUNDE AKINLEYE

Incendies, heurts, coups de feu sporadiques: la situation restait extrêmement tendue mercredi à Lagos, au lendemain de la répression de manifestations pacifiques qui ont fait 12 morts selon Amnesty International (AI).

Dix personnes sont mortes au péage de Lekki, dans le sud de Lagos, où l'armée a ouvert le feu sur des milliers de manifestants mardi soir, selon l'ONG de défense des droits humains. Dans le quartier d'Alausa, au centre de Lagos où un autre rassemblement pacifique avait été organisé, au moins deux manifestants ont été tués et un grièvement blessé, par des tirs des forces de l'ordre, ajoute AI.

Le péage de Lekki était l'épicentre de la contestation populaire qui secoue depuis près de deux semaines la première puissance économique d'Afrique. Des milliers de jeunes manifestent contre les violences policières et le pouvoir en place accusé de mauvaise gouvernance.

Sans armes

Mardi, la police avait annoncé le déploiement immédiat dans tout le pays de son unité anti-émeute alors que les protestations dans plusieurs villes avaient dégénéré. A ce jour, au moins 30 personnes, dont deux policiers, sont mortes dans ces manifestations.

A Lagos, un couvre-feu avait été imposé mardi à partir de 16h00, mais des milliers de manifestants avaient décidé de le braver. Notamment à Lekki, où les rassemblements avaient jusque-là toujours été pacifiques.

«On n'avait pas d'armes, on n'avait même pas de bâton, tout ce qu'on brandissait c'était des drapeaux du Nigeria», a raconté à l'AFP un survivant de la fusillade de Lekki, Larry Matthew.

«Les soldats avaient clairement une intention, tuer sans se soucier des conséquences», accuse Osai Ojigho, le directeur d'AI au Nigeria. Les personnes «tuées ou blessées lors de ces deux rassemblements ont été emmenés par les militaires», affirme l'ONG.

«Fake news»

L'Union Européenne et l'ONU ont condamné les violences. Bruxelles a jugé «crucial que les responsables de ces abus soient traduits en justice et qu'ils aient à rendre des comptes», alors que l'ONU a appelé à «la fin des brutalités et des abus policiers au Nigeria».

Se déclarant «extrêmement préoccupé», le Royaume-Uni a aussi appelé à «mettre fin à la violence» et demandé une enquête. Mise en cause de toute part, l'armée nigériane a nié être à l'origine de cette fusillade, dénonçant des «fake news».

Mercredi la tentaculaire Lagos, d'habitude si bouillonnante, s'était vidée de ses 20 millions d'habitants, priés de rester chez eux alors qu'un couvre-feu total a été imposé.

Coups de feu

Mais dans certains quartiers, des violences ont éclaté entre forces de l'ordre et jeunes qui refusaient de respecter ce couvre-feu. Plusieurs coups de feu ont été tirés à différents endroits de la ville, selon des témoins. Certains ont affirmé que des manifestants ont été abattus.

Un jeune homme de 24 ans est décédé dans une ambulance qui le transportait à l'hôpital, bloquée par les forces de l'ordre à cause d'affrontements, ont affirmé sur Twitter deux figures de la contestation qui coordonnent l'envoi de secours aux manifestants, Moe Odele et Feyikemi Abudu.

Le siège d'une station de télévision, connue pour ses liens avec un éminent politicien du parti au pouvoir, a aussi été incendié, ainsi qu'une importante station de bus et de nombreux autres bâtiments privés et publics.

«Démissionnez !»

Dans un communiqué mercredi matin, le président Muhammadu Buhari s'est borné à rappeler son engagement «à reformer la police», appelant de nouveau «au calme», sans dire un mot sur l'attaque de Lekki.

De nombreuses voix s'élèvent au Nigeria pour réclamer la démission de l'ancien général: «M. Buhari vous êtes un échec! Vieux et incompétent! Nous ne voulons pas de vous, ni de votre vice-président et de votre chef de la police! Démissionnez», a tweeté la star de la musique nigériane Wizkid.

De nombreuses personnalités internationales ont également apporté leur soutien à la jeunesse nigériane, comme le candidat démocrate à la présidentielle américaine Joe Biden, ou les chanteuses Rihanna et Beyoncé.

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