Les Sri-Lankais se sont massivement rendus aux urnes mercredi, bravant le Covid-19. Au terme de ce scrutin, le duo exécutif des frères Rajapaksa espère avoir les coudées franches pour pérenniser son emprise sur l'île.
Plus de 70% des seize millions d'électeurs ont participé à ces législatives organisées quatre mois après leur date initialement prévue à cause de la pandémie et qui se sont achevées à 17h00 locales (13h30 suisses), a déclaré à la presse le chef de la Commission électorale Mahinda Deshapriya.
Des mesures sanitaires avaient été prises pour tenter d'éviter de nouvelles contaminations, comme le port du masque obligatoire et la nécessité d'amener son propre stylo. Le comptage des voix commencera tôt jeudi et le résultat final de ces élections devrait être connu vendredi soir.
Amender la Constitution
Le président Gotabaya Rajapaksa et son grand frère Mahinda, actuel Premier ministre et ex-chef de l'Etat, qui a dirigé le pays d'un main de fer de 2005 à 2015, espèrent remporter une large majorité parlementaire afin d'amender la Constitution en vue d'accroître leur pouvoir.
Les analystes pensent qu'ils auront facilement la majorité au Parlement. S'ils obtiennent les deux tiers des 225 sièges, les frères Rajapaksa pourraient revenir sur les modifications précédemment apportées à la Constitution en vue d'une décentralisation du pouvoir et qui ont limité à deux le nombre des mandats présidentiels afin d'empêcher l'émergence d'un nouvel homme fort.
Gotabaya, 71 ans, et Mahinda, 74 ans, veulent ainsi mettre fin à la limite des deux mandats présidentiels, ramener l'appareil judiciaire et policier sous leur contrôle direct et étendre leur pouvoir dynastique à une nouvelle génération du clan. «Nous allons nous retrouver avec un régime autoritaire élu», déclare à l'AFP l'analyste politique Kusal Perera.
Après cinq ans dans l'opposition, les deux frères ont fait un retour sur le devant de la scène politique insulaire avec l'élection de Gotabaya à la présidence en fin d'année dernière. Celui-ci avait mené une campagne nationaliste axée sur la sécurité dans un pays traumatisé par les attentats djihadistes de Pâques 2019, qui ont fait 279 morts.
Concentration des pouvoirs
Le nouvel élu a nommé dans la foulée le charismatique Mahinda à la tête du gouvernement. Le patriarche du clan Rajapaksa, défait dans les urnes en 2015 par une coalition d'opposants, était empêché par la Constitution actuelle de se présenter au scrutin.
Bête noire des défenseurs des droits de l'homme et visée par de multiples accusations de corruption et crimes, la famille a gouverné le Sri Lanka sans partage durant une décennie.
Les Rajapaksa jouissent d'une grande popularité au sein de la majorité ethnique cinghalaise pour avoir mis fin en 2009, au prix d'un gigantesque bain de sang, à quatre décennies de guerre civile avec la minorité tamoule, un conflit qui a fait 100'000 morts. Ils soutiennent qu'un retour de la concentration des pouvoirs est nécessaire au développement du Sri Lanka.
«Votez pour notre parti pour relancer l'économie, construire une société disciplinée et emmener le pays dans la bonne direction», avait lancé dimanche soir Mahinda à des milliers de partisans lors de ses derniers meetings de campagne.
«Campagne de peur»
Selon les défenseurs des droits humains, les intimidations et menaces contre les avocats, militants et journalistes se sont multipliées depuis le retour au pouvoir des Rajapaksa.
«Une campagne de peur s'est intensifiée depuis l'élection présidentielle de 2019, et a jeté une ombre sur la campagne des législatives 2020», a estimé l'ONG Human Rights Watch.
S'il n'y a pas d'enquêtes d'opinion indépendantes au Sri Lanka, les observateurs donnent toutefois le Sri Lanka Podujana Party (SLPP) de Mahinda Rajapaksa grand favori face à une opposition minée par ses querelles internes.
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