Elections au KosovoLes pourfendeurs de la corruption affrontent les anciens
ATS
12.2.2021 - 11:55
Avec l'éradication de la corruption comme cheval de bataille, une nouvelle génération de politiciens tentera dimanche au Kosovo de casser l'emprise de la vieille garde des commandants lors de législatives. Ces élections pourraient annoncer un nouveau chapitre pour le jeune Etat.
Depuis sa déclaration d'indépendance en 2008, l'ex-province de Belgrade se bat toujours pour être pleinement reconnue sur la scène internationale et est minée par la pauvreté.
Le Kosovo, qui connaît ses cinquièmes législatives anticipées en 12 ans, est rongé par l'instabilité politique. Le gouvernement qui sortira des urnes sera le troisième depuis le début de l'épidémie de coronavirus qui a coûté la vie à plus de 1500 personnes.
Les anciens héros du combat indépendantiste contre l'oppresseur serbe ont longtemps réussi à garder la haute main sur le sommet du pouvoir.
Mais cette mainmise s'est fissurée, d'abord dans les urnes en 2019 puis lorsque la justice internationale a inculpé des figures clés de l'ancienne rébellion, pour crimes de guerre commis pendant et après le conflit de 1998-99 contre les forces serbes. Parmi elles, l'ancien président Hashim Thaçi, qui dort depuis novembre dans une prison aux Pays-Bas.
Ces «élections doivent donner une chance à des nouvelles personnes et à de nouvelles idées», dit à l'AFP Enver Ahmeti, étudiant en droit de 24 ans. «On stagne, on stagne», renchérit Valon Aliu, économiste de 45 ans. «On a besoin de gens qui ne soient pas corrompus».
Blason terni
L'aura des anciens rebelles est en effet ternie par des accusations de captation des ressources de l'Etat et de clientélisme dans le territoire d'1,8 million d'habitants où le salaire moyen est de 500 euros environ (environ 540 francs suisses). En butte à un taux de chômage de 50%, les jeunes cherchent massivement leur salut dans l'émigration, en Suisse ou en Allemagne.
Les sondages donnent un net avantage à Vetevendosje ("autodétermination"), le mouvement nationaliste de gauche d'Albin Kurti, crédité de plus de 50% des intentions de vote avec le slogan: «Il n'y a pas d'Etat avec des voleurs».
Vetevendosje (VV) avait fini premier d'un cheveu aux dernières législatives. Le fragile gouvernement de coalition d'Albin Kurti avait été renversé en moins de deux mois.
Cette fois, les partisans de cet orateur redoutable passé par les geôles de Slobodan Milosevic espèrent que VV obtiendra la majorité au Parlement de 120 sièges.
Albin Kurti, 45 ans, est accusé par ses adversaires d'avoir des visées autoritaires et de représenter une menace pour la relation privilégiée entre le Kosovo et les Etats-Unis.
Son parti est également critiqué par les infectiologues pour avoir contourné l'interdiction des rassemblements en organisant des marches au moment où les contaminations au coronavirus augmentent.
Albin Kurti a été interdit par les autorités électorales de se présenter personnellement en raison d'une condamnation pour avoir jeté des gaz lacrymogènes à l'Assemblée. Mais cela ne l'empêchera pas de former un gouvernement en cas de succès.
Dialogue avec la Serbie
Ses chances sont accrues par le ralliement de la présidente par intérim Vjosa Osmani, 38 ans, symbole d'une classe politique nouvelle génération qui a quitté la LDK de centre-droit du Premier ministre sortant Avdullah Hoti.
«Pendant plus de 10 ans, une grosse partie du budget est partie dans les salaires et des autoroutes (...) qui coûtent dix fois plus cher que dans les autres pays européens», dit-elle à l'AFP. «Nous voulons des investissements au service de notre peuple, ce qui signifie investir dans l'emploi des jeunes, la santé et l'éducation».
Plus qu'une adhésion totale à un programme, les Kosovars et en particulier les jeunes veulent des nouvelles têtes, relèvent les analystes.
«L'électorat n'est pas forcément d'accord avec VV mais ils veulent un changement des élites politiques», dit à l'AFP Donika Emini, directrice de CiviKos Platform.
Le PDK de l'ancien président Thaçi et d'autres ex-guérilleros est crédité de la deuxième place par les sondages (entre 13 et 23% des intentions de vote) avec un programme fondé sur la lutte contre la pauvreté. La LDK arriverait troisième en promettant d'aider les entreprises et les personnes affectées par la pandémie.
Vingt sièges sont réservés aux minorités, dont la moitié à des députés serbes, potentiellement faiseurs de rois.
Quoi qu'il arrive, le nouveau gouvernement devra poursuivre un difficile dialogue avec la Serbie mené sous l'égide de l'Union européenne et censé normaliser les relations avec Belgrade, qui refuse toujours de reconnaître l'indépendance de son ancienne province.