70 ans de règne Elizabeth II, le devoir avant tout

ATS

8.9.2022 - 20:16

Elle fut l'une des femmes les plus célèbres du monde tout en restant une énigme: la reine Elizabeth II a affiché un stoïcisme constant lors des 70 années d'un règne marqué par un inébranlable sens du devoir.

La reine Elizabeth II : une vie en images

La reine Elizabeth II : une vie en images

La reine Elizabeth II est morte à l'âge de 96 ans. Voici des photos qui retracent une vie incroyable et un règne de 70 ans.

08.09.2022

Doyenne des têtes couronnées d'Europe, la souveraine s'est éteinte jeudi à 96 ans, auréolée d'une immense popularité. Au cours de sept décennies de règne, elle a traversé la Seconde Guerre mondiale, vu la dissolution de l'Empire britannique et connu quinze Premiers ministres, tout en incarnant la stabilité de l'Etat.

La dernière photo d'Elizabeth II la montrait mardi en gilet gris et jupe tartan dans sa résidence écossaise de Balmoral. Elle y a reçu Boris Johnson venu présenter sa démission, puis Liz Truss qu'elle a nommée officiellement Première ministre. Elle est alors apparue souriante, mais très fragile, appuyée sur sa canne.

S'appuyant sur une canne, Elizabeth II avait reçu mardi Liz Truss pour la nommer première ministre.
S'appuyant sur une canne, Elizabeth II avait reçu mardi Liz Truss pour la nommer première ministre.
KEYSTONE

Nombreux voyages

Des anciennes colonies britanniques à la Russie ou la Chine, où elle fut le premier monarque britannique à avoir mis les pieds, en passant par la Suisse où une visite d'Etat la conduite en 1980, la reine a parcouru un monde soumis aux soubresauts de l'Histoire, toujours vêtue de tenues colorées, chapeau assorti et sac à main au coude, un uniforme qui lui permettait d'être vue par tous malgré sa taille (1m63). Elle était cheffe de quinze Etats à sa mort.

Si elle a cessé de voyager à l'étranger à la fin de son règne, elle a inlassablement exercé ses fonctions protocolaires dans son royaume, y compris dans les jours suivant les obsèques de son époux Philip en avril 2021. Sans rechigner à la tâche, laissant très rarement percer ses émotions, et jamais ses opinions.

Reine par accident

Née Elizabeth Alexandra Mary le 21 avril 1926, la princesse «Lilibet», boucles blondes et visage d'angelot, n'était pas destinée au trône. Mais fin 1936, son oncle Edouard VIII abdique, préférant épouser Wallis Simpson, une Américaine deux fois divorcée.

Le père d'Elizabeth, un homme timide et bègue, devient alors George VI. C'en est fini de l'innocence. La fillette emménage à Buckingham. Elle est instruite à domicile avec sa soeur Margaret et va ingurgiter un programme accéléré en histoire et en droit constitutionnel. Elle apprend aussi le français, qu'elle parlera couramment.

Vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, elle rejoint l'armée de réserve, à 19 ans, comme conductrice. Deux ans plus tard, elle épouse le fringant officier Philip Mountbatten, fils du prince André de Grèce, au cours d'une cérémonie qui fera rêver la Grande-Bretagne d'après-guerre encore marquée par les privations.

Le 6 février 1952, alors qu'elle effectue un voyage au Kenya, elle apprend la mort de son père. Sa vie de jeune mariée prend une tout autre tournure. Elle retourne immédiatement au Royaume-Uni puis est couronnée le 2 juin 1953.

Infatigable

Devenue à 25 ans souveraine du Royaume-Uni, du Canada, d'Australie, de Nouvelle-Zélande, d'Afrique du Sud, du Pakistan et de Ceylan (l'actuel Sri Lanka), elle promet à ses sujets «d'être digne de leur confiance tout au long de (sa) vie».

Infatigable, Elizabeth II honorait à 90 ans passés des centaines d'engagements chaque année: inaugurations en tous genres, réceptions à Buckingham, remises de décorations ou de récompenses, montrant à chaque fois un intérêt poli. Mais depuis octobre 2021, elle avait fortement réduit ses activités après une très brève hospitalisation.

Avec ses quatre enfants, Charles, né en 1948, Anne, en 1950, Andrew, en 1960 et Edward né en 1964, elle se montre distante, en public au moins.

Image de stabilité

Cette femme très croyante et économe malgré son immense fortune, incarne la stabilité au sein d'une famille régulièrement brocardée par la presse. Elle a dû affronter de nombreuses crises familiales, comme en 1992, qu'elle a surnommée «Annus Horribilis», lorsque Charles, Anne et Andrew voient leurs couples respectifs exploser et que son château de Windsor est la proie des flammes.

Mais son flegme est aussi à l'origine du grief qu'on lui fit, quand en 1997, à la mort de Diana, elle reste silencieuse dans son château de Balmoral alors que le pays entier pleure.

Cette incompréhension entre le public et la reine, pour qui Diana ne fait plus partie de la famille royale depuis son divorce, constitua l'une des crises les plus importantes pour la monarchie. La reine a su faire quelques concessions, en prononçant finalement une allocution télévisée en mémoire de la princesse et acceptant le remariage de son fils Charles avec Camilla, même si elle n'a pas assisté à la cérémonie.

Embarras

En 2019, Andrew, souvent considéré comme son fils préféré, met la famille royale dans l'embarras en raison de son amitié passée avec le financier américain Jeffrey Epstein qui lui vaut des accusations particulièrement graves depuis que ce dernier, soupçonné d'avoir exploité sexuellement des mineures, s'est suicidé en prison. Andrew est contraint de se retirer de la vie publique et évite un procès aux Etats-Unis pour agressions sexuelles grâce à un accord à l'amiable.

Elizabeth II montre plus d'affection pour ses huit petits-enfants, notamment William et Harry. Mais en 2020, Harry prend des distances avec la famille royale, partant vivre en Californie et accusant «la Firme», surnom de la royauté, d'avoir manqué de soutien et fait preuve de racisme envers sa femme Meghan, métisse.

En 2021, la mort de Philip, son «roc» et époux depuis sept décennies constitue une épreuve de plus pour la reine, isolée dans son château de Windsor où elle vit de longs mois confinée, en pleine pandémie de coronavirus.

En octobre de la même année, elle passe une nuit à l'hôpital et ses médecins lui conseillent de lever le pied. La souveraine de 95 ans accepte enfin d'alléger son agenda. Elle reprend ses engagements début 2022 mais est testée positive au Covid-19 le 20 février.

Début juin, les Britanniques avaient célébré pendant quatre jours les 70 ans de règne d'Elizabeth II. Elle est restée quasi absente de ce jubilé de platine, ne se montrant qu'à deux brèves reprises au balcon de Buckingham devant des dizaines de milliers de personnes.

Neutre politiquement

Toutes ces années, elle garde ses opinions pour elle, n'accordant jamais aucune interview. Nul ne sait par exemple ce qu'elle a pensé du Brexit. Recevant chaque semaine en audience le premier ministre, la reine observe comme il se doit une stricte neutralité politique. Sa Majesté – ou «Ma'am» – règne mais ne gouverne pas.

Ses seules passions affichées sont les chevaux et les chiens, notamment ses chers corgis. Nonagénaire, elle montait encore à cheval, sans bombe mais avec un foulard protégeant sa chevelure grise.

Son image est omniprésente au Royaume-Uni, des pièces de monnaie affichant son profil aux figurines à son effigie agitant une main gantée. Non sans humour, la reine a su jouer de cette image comme lorsqu'elle participe à une vidéo avec James Bond – interprété par Daniel Craig -, à l'occasion des jeux Olympiques de 2012. Ou encore dans une vidéo la mettant en scène en train de boire un thé avec l'ours Paddington en juin lors du Jubilé.

Beaucoup de Britanniques l'ont connue toute leur vie et appréciaient cette figure familière et rassurante. Au crépuscule de son règne, Elizabeth II figurait toujours en tête des sondages de popularité des membres de la famille royale, dépassant nettement son fils aîné et successeur Charles.

ATS