Medias En Chine, l'autre guerre des Ukrainiens... pour l'information

AFP

30.3.2022 - 13:38

Une guerre dont l'Occident est responsable... Face au parti-pris pro-russe des médias chinois, les Ukrainiens de Chine s'organisent pour faire entendre la voix de leur pays.

30.3.2022 - 13:38

Célébrant une amitié «solide comme un roc» avec la Russie, Pékin s'est gardé de condamner l'invasion du 24 février. Ses médias, étroitement contrôlés par le pouvoir, mettent le conflit sur le compte de «l'expansion» de l'Otan et les inquiétudes «légitimes» de la Russie pour sa sécurité.

Pas facile dans ce contexte pour Lidiia Zhgyr de défendre un point de vue différent sur l'internet chinois, où les commentaires pro-Kiev sont généralement censurés.

Cette conseillère en développement durable originaire de Tcherkassy, dans le centre de l'Ukraine, a créé avec des compatriotes une chaîne YouTube en chinois, qui a rassemblé un millier d'abonnés dès sa première semaine d'existence.  «Nous canalisons toute notre énergie, notre anxiété et notre chagrin dans l'action», explique cette femme de 29 ans, qui porte un bracelet jaune et bleu marqué «Ukraine».

Dans le viseur: la désinformation du Kremlin, comme la théorie selon laquelle les Etats-Unis fabriquent des armes biologiques en Ukraine, relayée à l'envi par la diplomatie chinoise.

Problème: YouTube n'est pas librement accessible en Chine et seule une petite minorité de citoyens peuvent accéder au site via un réseau virtuel privé (VPN). «La majorité des gens soutiennent la Russie sur les réseaux sociaux mais je pense aussi qu'ils n'ont pas accès à une information objective», observe Mme Zhgyr.

Trolls

Avec quelque 300 volontaires, elle alimente également un site web, «Wukelanxinwen» (Nouvelles d'Ukraine), qui diffuse des articles de médias ukrainiens traduits en chinois.

Le groupe diffuse aussi des vidéos sous-titrées sur la messagerie WeChat, très populaire en Chine. Des comptes qui font parfois l'objet d'attaques de trolls, témoigne Valeriia Litovka, une jeune femme qui travaille dans le secteur technologique à Pékin. Pas question pour autant de laisser tomber.

«Nous ne faisons pas de politique», explique-t-elle à l'AFP. «Le message que l'on cherche à faire passer c'est que personne ne devrait mourir, personne ne devrait être tué par quiconque.»

«Quand quelqu'un entre chez vous, vous frappe et tue votre famille, c'est mal, voilà notre message», ajoute-t-elle.

Si Pékin se refuse toujours à parler «d'invasion» en Ukraine, le message de ses médias a quelque peu évolué ces dernières semaines, la télévision montrant désormais des images de destructions de bâtiments civils ou de personnes déplacées.

«Quelqu'un m'a dit avoir changé d'avis», se félicite Mme Zhgyr. «Les Chinois sont en général très compatissants lorsqu'ils comprennent que des gens sans défense, des enfants ou des femmes enceintes sont les victimes de cette guerre».

Culpabilité et résistance

La petite communauté ukrainienne de Chine ne compte que quelques milliers de personnes, beaucoup étant rentrées au pays avant la guerre pour cause d'épidémie.

Pour celles qui restent, «on se sent coupable de ne pas être» en Ukraine, reconnaît Mme Litovka, dont les proches se terrent dans des abris à Kharkiv. D'autres se laissent gagner par le découragement, comme Eugene, un négociant en vins qui préfère ne pas communiquer son nom de famille.

«J'ai diffusé plusieurs vidéos sur WeChat mais j'ai ensuite décidé de les retirer. Je n'aurais jamais cru que je serais confronté à tant d'hostilité.» Passant à travers la censure, certaines sources d'information réussissent à faire passer le message de Kiev, notamment les deux comptes Weibo gérés par l'ambassade d'Ukraine à Pékin.

Sur cette messagerie très populaire, équivalent de Twitter, des internautes prennent sur eux de traduire des articles sur la guerre et de démonter la propagande russe. Certains s'attirent des centaines de «J'aime».

De quoi encourager Lidiia Zhgyr à poursuivre son combat pour la paix en Ukraine. «Je n'arrêterai pas d'en parler», promet-elle.

AFP