Droits humainsEncore des crimes de guerre au Soudan du Sud
ATS
20.2.2020 - 22:23
Des membres du gouvernement du Soudan du Sud ont détourné de nombreux millions de dollars, selon trois enquêteurs indépendants à l'ONU. Ceux-ci, dont le Genevois Andrew Clapham, accusent les parties d'affamer délibérément la population, un crime de guerre.
Dans son quatrième rapport publié jeudi à Genève, la Commission des droits de l'homme sur le Soudan du Sud dit avoir de «bonnes indications» qui laissent penser à une évasion fiscale, de la corruption, du blanchiment d'argent et du détournement de fonds publics. «Des millions de dollars», notamment jusqu'à 80% des revenus non pétroliers, n'ont pu être utilisés par l'Etat pour garantir des droits à la population.
Cette situation a exacerbé la pauvreté et affecté l'accès à l'éducation dans ce pays confronté à des années de conflit, a déploré devant la presse M. Clapham, qui était il y a quelques semaines au Soudan du Sud. Le rapport ne mentionne pas le président Salva Kiir et ne nomme aucun autre responsable.
La commission a cherché à savoir où ces fonds avaient été acheminés. Aucune indication «pour le moment» ne les relie à la Suisse ou à un pays en dehors de la région, ajoute le Genevois.
Armement lourd visé
Dans de précédents rapports, malgré l'accord de paix de 2018, l'instance avait dénoncé de nombreux possibles crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Elle avait même identifié plusieurs dizaines de responsables des forces gouvernementales et de celles d'opposition qui devaient, selon elle, être poursuivis.
Une vingtaine de personnes ont été ajoutées en 2019 à la liste confidentielle remise au Haut-Commissariat aux droits de l'homme pour être exploitée par des juridictions internationales.
Dans les indications relayées jeudi, la commission affirme que des violations «graves» des droits humains et du droit international humanitaire (DIH) continuent d'être perpétrées. Des unités militaires continuent d'enrôler des enfants, parfois âgés de 12 ans.
Aussi bien le gouvernement que l'opposition armée ont mené des politiques pour affamer la population, notamment dans deux Etats du pays. Cette attitude peut constituer un crime de guerre, insiste M. Clapham. Les violences sexuelles sont toujours «largement répandues» et les détentions arbitraires, de même que les restrictions aux libertés fondamentales, «quotidiennes». Autre difficulté, des données crédibles montrent que les forces gouvernementales ont équipé des milices d'armes lourdes.
Plusieurs millions de réfugiés
Les autorités n'ont par ailleurs pas mené d'investigations adaptées sur les nombreuses accusations de violations. Satisfaction toutefois, plusieurs dizaines de milliers de déplacés ont pu rentrer chez eux grâce à la diminution des affrontements sur une bonne partie du territoire. Mais près d'1,5 million de personnes ne sont pas revenues et s'ajoutent à plus de 2 millions de réfugiés.
Et en 2019, le nombre de victimes a augmenté de plus de 200% en raison de l'intensification de violences ethniques dans certaines zones. Des centaines de personnes ont été tuées. Depuis début janvier, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a lui évacué des dizaines de patients de ces régions. Il a affirmé jeudi que plus de la moitié de la population a besoin d'assistance humanitaire.
Dans ses recommandations, la commission demande notamment au gouvernement d'oeuvrer avec d'autres pays pour identifier et rapatrier les fonds et biens liés à la corruption. Et de poursuivre les responsables de ces actes. La commission demande aussi aux autres pays de surveiller l'embargo sur les armes. En six ans, les affrontements dans le conflit sud-soudanais auraient fait des centaines de milliers de victimes.
La commission relève que le troisième délai, d'ici samedi, pour un gouvernement d'union nationale, toujours attendu, est «imminent». Celui-ci pourrait encore «être un peu de retardé», dit M. Clapham, qui appelle les parties à «redoubler d'efforts». Des divergences subsistent notamment sur les forces militaires unifiées, sur la validation d'une révision constitutionnelle ou encore un réaménagement institutionnel.
Les rebelles sud-soudanais ont rejeté dimanche la proposition de Salva Kiir de revenir à un système fédéral de dix Etats. Cette décision prise par leur chef et ancien vice-président Riek Machar contribue à maintenir les divergences politiques.
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