RuptureLa confiance des Etats-Unis s'est érodée lentement
ATS
24.3.2021 - 08:20
Au moment de lancer le développement des vaccins anti-Covid-19, les Etats-Unis avaient misé gros sur le cheval AstraZeneca. Mais une série d'impairs de la part de l'entreprise ont érodé la confiance des autorités américaines, qui ont aujourd'hui fait en sorte de pouvoir mener à terme leur campagne de vaccination sans l'utiliser.
24.03.2021, 08:20
24.03.2021, 08:27
ATS
Des difficultés qui s'ajoutent aux déboires accumulés par l'entreprise en Europe, sur des retards de livraison ou des inquiétudes sur ses effets secondaires.
Dans le cadre de l'opération «Warp Speed» lancée au printemps 2020 par le gouvernement américain pour soutenir le développement d'un vaccin contre le Covid-19, une commande de 300 millions de doses est passée à AstraZeneca. C'est beaucoup plus que le nombre initialement commandé à Pfizer/BioNTech, Moderna ou Johnson & Johnson (100 millions chacun).
L'entreprise suédo-britannique semble alors en pole position. Le gouvernement américain lui promet plus d'un milliard de dollars pour l'aider à mener à bien ses essais et développer ses infrastructures pour produire le vaccin à grande échelle.
Essais mis sur pause
Un participant à l'essai clinique britannique tombe malade en septembre. Les essais sont temporairement suspendus dans le monde, ce qui n'est pas inhabituel en soi, mais des médias rapportent que les autorités sanitaires américaines ne l'apprennent qu'après quelques jours, par la presse. Ce défaut de communication pourrait avoir donné un premier coup de canif à la confiance accordée à l'entreprise.
L'essai reprend au bout de quelques jours au Royaume-Uni. Aux Etats-Unis en revanche, il est interrompu pendant six semaines.
Premiers résultats: Washington attend
En novembre, l'annonce par l'entreprise de résultats intermédiaires provoque un imbroglio. AstraZeneca annonce que son vaccin est en moyenne efficace à 70%. Mais ce chiffre en combine deux: l'efficacité n'est que de 62% chez ceux ayant reçu les deux doses réglementaires, mais monte à 90% chez un sous-groupe de volontaires ayant reçu une demi-dose en guise de première injection.
Or, cette demi-dose était une erreur. L'entreprise est contrainte d'annoncer des études complémentaires. Les responsables américains découvrent par la suite que le groupe ayant montré 90% d'efficacité n'incluait aucune personne âgée de plus de de 55 ans.
Les Etats-Unis annoncent alors qu'ils attendront les résultats des essais américains pour se prononcer sur une éventuelle autorisation.
Nouveau micmac sur l'efficacité
Des résultats préliminaires des essais menés aux Etats-Unis sont présentés par l'entreprise dans un bref communiqué lundi: le vaccin est efficace à 79% pour prévenir les cas symptomatiques du Covid-19 et, à 100%, pour empêcher les formes sévères de la maladie et les hospitalisations, affirme AstraZeneca.
Mais dans la nuit, l'institut national américain des maladies infectieuses et des allergies (NIAID), qui supervise l'essai, publie un inhabituel communiqué s'inquiétant que ces résultats aient pu inclure des données «obsolètes», qui pourraient «avoir abouti à une estimation incomplète de l'efficacité».
AstraZeneca explique avoir utilisé des données remontant à avant le 17 février, et s'engage à en fournir des plus récentes sous 48 heures.
Le Washington Post a quant à lui rapporté que des experts indépendants chargés de superviser les essais d'AstraZeneca avaient adressé un courrier à l'entreprise pour leur recommander de faire état d'une efficacité de 69 à 75%, contrairement aux 79% mis en avant par la suite.
«Les données sont plutôt bonnes, mais dans le communiqué de presse, ce n'était pas complètement juste»
Holly Fernandez Lynch, professeure assistante en éthique médicale
«Il est difficile de comprendre ce qui pourrait justifier le fait d'avoir rapporté de meilleurs chiffres, quand d'autres, moins bons et plus à jour, étaient disponibles», a commenté auprès de l'AFP Holly Fernandez Lynch, professeure assistante en éthique médicale à l'université de Pennsylvanie, se disant toutefois rassurée par la réponse rapide des autorités.
«C'est regrettable que ce soit arrivé», a déclaré sur ABC le Dr Anthony Fauci, directeur du NIAID, car «c'est probablement un très bon vaccin». «Les données sont plutôt bonnes, mais quand ils les ont mises dans le communiqué de presse, ce n'était pas complètement juste», a-t-il ajouté.
Aujourd'hui: un vaccin superflu
Entre-temps, trois vaccins ont été autorisés aux Etats-Unis: ceux de Pfizer/BioNTech, Moderna, et Johnson & Johnson.
De nouveaux contrats ont, petit à petit, été passés, si bien que les Etats-Unis auront été livrés d'assez de doses avec ces trois-là pour pouvoir vacciner l'ensemble des adultes américains d'ici à la fin mai, a promis le gouvernement du président Joe Biden.
Ce dernier a par ailleurs déjà annoncé envisager d'envoyer environ 4 millions de ses doses du vaccin d'AstraZeneca au Mexique et au Canada.
Un dépôt de demande d'autorisation en urgence devrait être déposé «dans les prochaines semaines» aux Etats-Unis, selon AstraZeneca. Les données de l'essai clinique américain seront alors passées en revue et rendues publiques par la très rigoureuse agence des médicaments (FDA). Si elle les valide, la crédibilité tirée pourrait finalement davantage aider les pays, où ce vaccin est déjà largement distribué, que les Etats-Unis eux-mêmes.