ChypreErdogan appelle à un dialogue sur la base de «deux Etats séparés»
vey
15.11.2020 - 18:57
Recep Tayyip Erdogan a préconisé la création de deux Etats à Chypre lors d'une visite dimanche dans le nord de l'île méditerranéenne divisée. Le président turc a notamment fait un déplacement controversé dans la ville fantôme de Varosha.
Chypre est divisée depuis l'invasion en 1974 de son tiers nord par l'armée turque en réponse à un coup d'Etat visant à rattacher l'île à la Grèce. Les derniers pourparlers de paix intercommunautaires en 2017 à Crans-Montana (VS) entre Chypriotes-grecs et Chypriotes-turcs sous l'égide de l'ONU, effectués sur la base d'une réunification de l'île, avaient échoué.
«Il y a deux peuples et deux Etats séparés à Chypre. Il faut des pourparlers pour une solution sur la base de deux Etats séparés», a affirmé M. Erdogan lors d'un discours à Nicosie.
Pour lui, les plans pour une réunification de l'île sous forme d'un Etat fédéral font partie du passé. «Vous ne pouvez faire sécher le linge d'aujourd'hui avec le soleil d'hier», a-t-il martelé, une expression imagée en référence aux précédentes négociations qui n'ont pas réussi à mettre fin à la division de l'île.
Déplacement à Varosha
Le président turc a assisté à une parade militaire à Nicosie, sa visite intervenant le jour de l'anniversaire de la proclamation le 15 novembre 1983 de la République turque de Chypre du Nord (RTCN), autoproclamée dans la partie occupée et reconnue uniquement par Ankara.
Il s'est ensuite rendu à Varosha après la réouverture partielle en octobre de cette ancienne cité balnéaire abandonnée par ses habitants et bouclée par l'armée turque depuis l'invasion de 1974.
Il prévoyait d'y faire un pique-nique sur la plage mais, en raison de fortes pluies, il s'est contenté d'une courte déclaration à la presse en compagnie d'Ersin Tatar, élu en octobre à la «présidence» de la RTCN.
«Ce lieu est resté fermé pendant des années, mais il est temps de prendre des initiatives. Car un partage équitable des ressources de l'île n'a jamais été accordé aux Chypriotes-turcs», a affirmé M. Erdogan à Varosha.
Compensations
Il a dans le même temps promis des compensations aux Chypriotes-grecs ayant des propriétés dans cette cité fantôme. «Si les ayants droits font appel à la commission des biens immobiliers, des compensations seront payées en échange de leurs propriétés.»
Quelque 30'000 soldats turcs sont déployés dans la partie occupée de Chypre, distante de près de 90 km des côtes turques. La RTCN est très dépendante politiquement et économiquement de la Turquie.
Le nationaliste Ersin Tatar, soutenu par Ankara, défend une solution à deux Etats, contrairement à son prédécesseur, Mustafa Akinci, partisan d'une réunification sous la forme d'un Etat fédéral.
La République de Chypre qui exerce son autorité dans le Sud Est la seule reconnue par la communauté internationale et est membre de l'Union européenne. Une zone tampon surveillée par l'ONU sépare les deux parties.
Une «provocation»
La réouverture de Varosha a été dénoncée par les Chypriotes-grecs et par de nombreux Chypriotes-turcs dont des centaines ont manifesté en début de semaine pour dénoncer la visite de M. Erdogan. «Pas de pique-nique sur la douleur des autres!», «A Chypre, la parole aux Chypriotes!», ont crié les manifestants.
Le président chypriote Nicos Anastasiades a qualifié la visite de M. Erdogan de «provocation». «La Turquie et son président torpillent la perspective d'un climat approprié demandé par l'ONU pour lancer son initiative de résolution du problème chypriote», a-t-il dit avant la visite du président turc.
La Grèce a elle estimé que la visite constituait une «violation directe des résolutions» de l'ONU. Une rencontre doit être prochainement convoquée par l'ONU entre Chypriotes-turcs et Chypriotes-grecs, la Grèce, la Turquie et la Grande-Bretagne, ancienne puissance coloniale.
Tensions en Méditerranée
La visite de M. Erdogan intervient également dans un contexte de tensions autour de la question des hydrocarbures et de la délimitation des frontières maritimes en Méditerranée orientale entre notamment la Grèce et Chypre d'un côté et la Turquie de l'autre.
Le président turc a affirmé dimanche sa volonté de continuer les activités d'exploration en Méditerranée orientale «jusqu'à ce qu'un accord équitable puisse être obtenu».