BirmanieExode des habitants de Rangoun face à la répression
ATS
19.3.2021 - 17:41
Keystone-SDA
19.03.2021, 17:41
19.03.2021, 17:47
ATS
Des habitants de Rangoun fuyaient en nombre vendredi la principale ville de Birmanie, où la junte intensifie sa répression meurtrière. La Thaïlande voisine se prépare à un afflux de réfugiés.
Près de 230 civils ont été tués à travers le pays depuis le coup d'Etat militaire du 1er février qui a renversé Aung San Suu Kyi. Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd, des centaines de personnes arrêtées ces dernières semaines étant portées disparues.
Deux des cinq millions d'habitants de Rangoun, la capitale économique, sont soumis à la loi martiale. Et certains quartiers sont tombés dans le chaos, des manifestants lançant des projectiles et des cocktails molotov sur l'armée et la police, qui tirent à balles réelles.
«Je ne ne dors plus la nuit»
Du coup, l'exode s'intensifie. Un des principaux axes pour sortir de la ville était totalement congestionné vendredi de véhicules plein à craquer, les habitants entassant leurs affaires jusque sur les toits.
«Je rentre chez moi dans l'Etat de Rakhine», dans l'ouest du pays, confie une jeune femme. «Je ne ne dors plus la nuit. Dans mon quartier, les forces de sécurité ont enlevé des gens et les ont torturés».
Afflux en Thaïlande
De l'autre côté de la frontière, les autorités thaïlandaises se préparent à recevoir un afflux de réfugiés. «Nous sommes en mesure d'en accueillir de 30 à 50'000», a indiqué le gouverneur de la province de Tak, Pongrat Piromrat.
Quelque 90'000 réfugiés birmans vivent déjà le long de la poreuse frontière de 1800 kilomètres séparant les deux pays, après avoir fui des décennies de guerre civile entre l'armée et des factions rebelles. Des Birmans ont également gagné ces dernières semaines l'Inde voisine.
La répression continue
Les forces de sécurité poursuivent sans relâche leur répression. Vendredi, au moins deux manifestants ont été abattus dans une petite ville du nord-est du pays, a indiqué un employé des pompes funèbres, selon qui les morts sont plus nombreux. «Nous n'avons pas encore ramassé les corps car la fusillade continue», raconte-t-il.
Une autre personne a été tuée dans l'Etat de Kayah lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une manifestation, d'après un secouriste.
«Meurtres, tortures, destructions de maisons et autres biens privés, pillages»: les tactiques déployées par l'armée sont de plus en plus violentes, déplore l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Les militaires «insufflent un climat de peur et de subordination», ajoute l'ONG qui fait un point quotidien sur la situation.
Des habitants sont aussi forcés, sous la menace d'armes à feu, de détruire les barricades de fortune érigées ces derniers temps par les manifestants contre les forces de sécurité, d'après plusieurs témoignages.
Journaliste de la BBC disparu
Sollicitée, la junte n'a pas répondu aux requêtes de l'AFP. Et à Naypyidaw, la capitale, un journaliste birman du service local de la BBC est «porté disparu» après avoir été emmené par des hommes non identifiés, a annoncé la chaîne britannique, appelant les autorités «à nous aider à le localiser et à confirmer qu'il va bien».
Un média local, Mizzima, a annoncé qu'un de ses reporters, Than Htike Aung, avait été «arrêté» en même temps qu'Aung Thura. Plus de 30 journalistes ont été arrêtés depuis le putsch.
La Birmanie se referme chaque jour davantage. Les connexions internet mobiles restent coupées et seuls les médias d'Etat couvrent désormais la crise.
La LND passe à la clandestinité
Les arrestations s'enchaînent, avec plus de 2200 personnes interpellées depuis le coup d'Etat, notamment au sein du parti d'Aung San Suu Kyi, la Ligue nationale pour la démocratie (LND). Dernières en date, celles de Kyi Toe, chargé de l'information, et d'un autre responsable du mouvement, a-t-on appris auprès d'un ex-député LND.
Beaucoup de députés LND sont passés à la clandestinité, certains formant un parlement fantôme, le Comité représentant Pyidaungsu Hluttaw (CRPH) – l'organe législatif birman. Le vice-président du CRPH, Mahn Win Khaing Than, et son «envoyé spécial» auprès de l'ONU, Docteur SaSa, ont été inculpés pour «haute trahison», passible de 22 ans de détention.
L'étau judiciaire se resserre aussi sur Aung San Su Kyi, au secret depuis le 1er février. Déjà inculpée à plusieurs reprises, accusée d'avoir perçu des centaines de milliers de dollars de pots-de-vins, elle est visée par une énième enquête sur la Fondation Daw Khin Kyi, qu'elle a créée.
Si elle est reconnue coupable, elle encourt de longues années de prison et pourrait être exclue de la vie politique. Une audience doit se tenir le 24 mars.