BirmanieFacebook «perturbé», les appels à résister continuent à se propager
fasc
4.2.2021 - 06:35
Les services de Facebook, outil essentiel de communication en Birmanie, étaient perturbés jeudi, trois jours après le coup d'Etat qui a renversé le gouvernement civil d'Aung San Suu Kyi. Les appels à résister au putsch continuaient à se propager.
L'armée a mis brutalement fin lundi à la fragile transition démocratique du pays, instaurant l'état d'urgence pour un an et arrêtant Aung San Suu Kyi ainsi que d'autres responsables de son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND).
La dirigeante de 75 ans, qui serait assignée à résidence dans la capitale Naypyidaw d'après son mouvement, a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale.
La peur des représailles reste vive dans le pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant presque 50 ans.
Concerts de klaxons et de casseroles
Mais les signes de résistance contre le putsch, condamné vivement par l'ONU qui appelle la communauté internationale à se rassembler pour le faire échouer, continuaient à émerger.
Mercredi soir, dans le quartier commerçant de Rangoun, la capitale économique, des habitants ont klaxonné et tapé sur des casseroles pour la seconde soirée consécutive, certains scandant: «Vive Mère Suu!» (Aung San Suu Kyi).
Des professionnels de santé ont pris la tête de la contestation, plusieurs dizaines d'établissements à travers le pays refusant de travailler «sous une autorité militaire illégitime».
Certains ont protesté en arborant des rubans rouges aux couleurs de la LND, d'autres faisant le salut à trois doigts, un geste de résistance déjà adopté par les militants pro-démocratie à Hong Kong ou en Thaïlande.
«Bloquer temporairement» Facebook
Des groupes appelant à la «désobéissance civile» se sont aussi créés sur Facebook, porte d'entrée à internet pour une grande partie de la population.
La firme américaine a fait savoir jeudi que certains de ses services étaient «perturbés». «Nous exhortons les autorités à rétablir la connexion afin que les habitants puissent communiquer avec leurs familles et amis et accéder à des informations importantes», a indiqué à l'AFP une porte-parole de la plate-forme.
La société norvégienne Telnor, l'un des principaux fournisseurs de télécommunications du pays, a confirmé que les autorités avaient émis un ordre pour «bloquer temporairement» Facebook. Nous avons été obligés de couper mais «nous ne pensons pas que cette mesure (...) soit «conforme au droit international», a ajouté la société.
Les autorités militaires ont déjà émis un avertissement recommandant à la population de ne pas dire ou publier quoi que ce soit qui pourrait «encourager des émeutes ou une situation instable».
L'ONU hausse le ton
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a affirmé mercredi qu'il ferait tout ce qui est en son pouvoir «pour mobiliser tous les acteurs-clés et la communauté internationale afin de mettre assez de pression sur la Birmanie pour s'assurer que (le) coup d'Etat échoue».
Dans un entretien au Washington Post, M. Guterres a jugé «absolument inacceptable de changer les résultats des élections et la volonté du peuple», déplorant que le Conseil de sécurité de l'ONU n'ait pu se mettre d'accord sur une déclaration commune.
Le Conseil s'était réuni mardi en urgence sans parvenir à s'entendre. Des négociations sont toujours en cours, selon un diplomate sous couvert d'anonymat.
Pour être adopté, un texte commun nécessite le soutien de Pékin, qui exerce un droit de veto en tant que membre permanent du Conseil de sécurité.
Or, la Chine reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies, où elle a contrecarré toute initiative lors de la crise des Rohingyas, estimant que le conflit avec la minorité musulmane relevait des seules affaires intérieures birmanes.
Mercredi, un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères a appelé la communauté internationale à «créer un environnement extérieur sain pour que la Birmanie puisse convenablement régler ses divergences», estimant que toute intervention du Conseil de sécurité devrait «éviter d'exacerber les tensions et de compliquer encore plus la situation», selon l'agence étatique Chine Nouvelle.
Ambition personnelle
Le chef de l'armée birmane, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs, a justifié son putsch en évoquant des fraudes massives lors des législatives de novembre remportées massivement par la LND, un scrutin qui s'est pourtant déroulé sans problème majeur, d'après les observateurs internationaux.
En réalité, les généraux craignaient que, malgré une constitution qui leur est très favorable, leur influence diminue après la victoire d'Aung San Suu Kyi, adulée dans son pays, estiment des analystes.
Min Aung Hlaing, un paria à l'international depuis la crise des Rohingyas, a aussi renversé la dirigeante par ambition politique personnelle alors qu'il était proche de la retraite, d'après eux.
La prix Nobel de la paix 1991 a été inculpée pour avoir enfreint une loi birmane sur les importations et les exportations, explique la LND, après que les autorités ont trouvé chez elle des talkies-walkies non enregistrés.
Une accusation tout aussi obscure a été mise en avant pour l'ex-président Win Myint, poursuivi pour avoir violé une loi sur la gestion des catastrophes du pays en ne respectant pas des mesures anti-coronavirus.