Campagne tendue en Argentine «Gnocchis», «pingouins»... le lexique imagé de la politique

ATS

16.11.2023 - 08:00

Leur politique est on ne peut plus polarisée, parfois au bord de la crise de nerfs, mais les Argentins ont le chic pour les images, surnoms et diminutifs, affectueux ou insultants, qui colorent même une campagne tendue, comme celle de l'élection présidentielle de dimanche.

L'ultralibéral Javier Milei s'est fait fort de vouloir «éradiquer les gnocchis», à coup de «tronçonneuse» dans la dépense publique.
L'ultralibéral Javier Milei s'est fait fort de vouloir «éradiquer les gnocchis», à coup de «tronçonneuse» dans la dépense publique.
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Il aura été question de nourriture: les gnocchis sont une tradition culinaire locale, liée à l'immigration italienne. Les 29 du mois, un rituel veut qu'on commande des gnocchis en plaçant un billet de banque sous l'assiette, pour inviter la fortune.

Mais en politique, «gnocchis» se réfère à des emplois quasi-fictifs, publics surtout, qui comme cette pâte apparaissent le jour de paye, décrypte à l'AFP le politologue Andrés Malamud. L'accusation de «gnocchis» a visé traditionnellement un Etat pléthorique, associé aux gouvernements Kirchner (centre-gauche). Et l'ultralibéral Javier Milei s'est fait fort de vouloir «éradiquer les gnocchis», à coup de «tronçonneuse» dans la dépense publique.

Mais, ses collègues de la Chambre des députés lui ont retourné l'accusation étant donné son peu d'assiduité et son activité parlementaire réduite depuis qu'il siège, en 2021. Le «choripan», ce sandwich à la saucisse juteuse grillée sur les barbecues ambulants, aussi est un grand classique. Il est associé par une partie de la droite au clientélisme supposé des péronistes dont les manifestations, plus ou moins spontanées, sont récompensées par un «chori».

Et puis, dessert pour tous: du «panqueque» (crêpe), évoquant une capacité à «se retourner» facilement, autrement dit des «politiciens qui avancent avec une loyauté 'disponible'», selon l'expression d'Andrés Malamud.

«Pingouins» menacés?

Cela a souvent été dit du candidat pro-gouvernemental Sergio Massa, à l'itinéraire politique ondoyant: libéral dans sa jeunesse, membre du gouvernement sous la présidence péroniste de Cristina Kirchner, puis candidat présidentiel contre ces péronistes en 2015, et de nouveau rallié à eux depuis 2019.

M. Millei n'est pas en reste. L'ultralibéral «dégagiste», qui a mené campagne contre «la caste politique» au pouvoir depuis 20 ans, a reçu au lendemain du premier tour le ralliement de Patricia Bullrich, candidate de la droite «classique», qu'il fustigeait l'avant-veille.

«Javier, retourné comme une crêpe, a fini par appartenir (...) à la case qu'il reniait», a persiflé la député pro-Massa Amelia Granata. D'animaux, il aura aussi été question. Du «lion», image revendiquée par Javier Milei en référence à sa chevelure en crinière. Lion, ou «châton au service de pouvoirs économiques», a raillé la candidate de gauche radicale Myriam Bregman.

En revanche, ceux qui ont quasi-disparu du paysage sont des «pingouins», sobriquet visant jadis le président péroniste Nestor Kirchner (2003-2007), pour moquer ses origines patagonnes. «Un terme qu'il s'est approprié, a retourné, lui donnant un sens positif», note la politologue Nuria Yabkowski.

Il y a quelques mois encore, Cristina Kirchner, veuve et successeure de Nestor à la présidence (2007 à 2015), revendiquait fièrement «nous autres, les pingouins, nous sommes collectifs, avançons ensemble», par contraste avec «les faucons et les colombes» de l'opposition de droite, désunie.

Mais, changement de climat politique, les «pingouins» kirchnéristes ont été invisibles dans la campagne de Sergio Massa. Pas un meeting, pas un discours pour la vice-présidente Cristina Kirchner, figure tutélaire à gauche mais aussi très clivante, et que le candidat Massa a soigneusement évité de mentionner.