La jeune militante Greta Thunberg a rappelé à l'ordre mardi l'élite économique et politique, rassemblée à Davos. Elle a estimé qu'«en pratique, rien n'a été fait» pour le climat, même après plusieurs mois de mobilisation massive des jeunes dans le monde.
Dans le cadre enneigé de la station de ski des Grisons, le réchauffement climatique domine cette année le Forum économique mondial (WEF), à l'heure où les entreprises rivalisent de promesses et les gouvernements de discours alarmistes.
Certes, «le climat et l'environnement sont un sujet d'actualité aujourd'hui», mais «en pratique, rien n'a été fait», «les émissions de CO2 n'ont pas diminué», a martelé la jeune Suédoise devant les grands patrons et responsables politiques réunis jusqu'à vendredi dans la douillette station de ski.
Ce n'est pourtant pas faute de recevoir l'attention médiatique, a-t-elle estimé, avec comme une pointe d'amertume. «Je ne peux pas me plaindre de ne pas être écoutée. On m'écoute tout le temps», a dit la militante, devenue égérie mondiale de la mobilisation des jeunes pour le climat.
Prédictions «d'apocalypse»
«Nous devons rejeter les éternels prophètes de malheur et leurs prédictions d'apocalypse», lui a rétorqué Donald Trump lors de son discours. Devant le président américain ouvertement climato-sceptique, un auditoire de grands patrons et de responsables politiques mais aussi la jeune militante suédoise, invitée pour la seconde année consécutive à Davos.
Greta Thunberg a d'ailleurs ouvert peu après, dans l'après-midi, une session au titre sans équivoque: «Eviter l'apocalypse climatique».
Reprenant les expressions qui avaient impressionné Davos l'an dernier, elle a déclaré: «Notre maison brûle toujours. Votre inaction alimente les flammes heure par heure. Nous vous disons à nouveau qu'il faut paniquer, et agir pour l'amour de vos enfants.»
Plus concrètement, Greta Thunberg a appelé à «cesser immédiatement tous les investissements dans l'exploration et l'extraction d'énergies fossiles», «cesser immédiatement toutes les subventions aux énergies fossiles», «pas en 2050, pas en 2030 ou même en 2021», mais «maintenant».
Reste à savoir quel impact concret ces mises en garde auront. Dans une récente enquête du cabinet PwC auprès de presque 1600 patrons, le changement climatique ne figurait même pas parmi les 10 principales menaces pour l'économie mondiale pour 2020, n'apparaissant qu'en 11e position.
Les ONG sceptiques
Et les ONG présentes à Davos se gardent de tout triomphalisme. «Il y a une énorme progression de la prise de conscience au niveau des grands patrons, mais le défi est de la traduire aux échelons inférieurs, au sein de groupes gigantesques» aux chaînes de production complexes, insiste auprès de l'AFP Marco Lambertini, secrétaire général de l'organisation environnementale WWF.
Selon un rapport de Greenpeace publié mardi, dix banques régulièrement présentes à Davos ont à elles seules financé entre 2015 et 2018 le secteur des énergies fossiles à hauteur de 1000 milliards de dollars (967 milliards de francs).
Le Forum lui-même a été parfois taxé d'hypocrisie climatique en raison du ballet de jets, hélicoptères et limousines qu'il occasionne. Cette année, il tente de montrer l'exemple en bannissant les ustensiles à usage unique, en montant des buffets sans viande, en compensant les émissions carbone ou en prodiguant des conseils sur le carburant utilisé pour les avions privés.
Les messages «ne s'imposent plus»
Pour le politologue américain Ian Bremmer, «dans le contexte de tous les autres problèmes mondiaux, (le climat) est celui qui attire l'attention et suscite une action authentique de certains grands acteurs». Mais M. Bremmer, président du centre de recherches Eurasia Group, reste très sceptique sur la capacité des puissants rassemblés à Davos à obtenir des avancées concrètes.
«Cela fait 50 ans (que Davos existe) et depuis 50 ans les messages qui en sont sortis ont gagné. Mais ces messages ne s'imposent plus. Plus du tout. C'est en partie à cause de la Chine et de son approche compétitive, et en partie parce que le capitalisme et la démocratie libérale perdent leur légitimité. Et ces deux sujets ne seront pas abordés ici», dit-il à l'AFP.
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