Chypre IInflation et corruption au coeur de la campagne présidentielle

ATS

3.2.2023 - 08:27

Quelque 560'000 Chypriotes-grecs sont appelés aux urnes dimanche sur l'île méditerranéenne divisée pour trouver un successeur au président de droite Nicos Anastasiades. Ce sur fond d'inflation galopante, de scandales de corruption, d'afflux migratoire et de pourparlers sur la réunification au point mort.

Le candidat Averof Neofytou, 61 ans, leader du parti conservateur au pouvoir, Disy.
Le candidat Averof Neofytou, 61 ans, leader du parti conservateur au pouvoir, Disy.
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Nikos Christodoulides, qui se présente comme «indépendant», est donné favori. Ce diplomate de 49 ans a été le ministre des Affaires étrangères du président Anastasiades entre 2018 et 2022, après avoir été quatre ans porte-parole du gouvernement.

Ses principaux adversaires sont Andreas Mavroyiannis, un diplomate de 66 ans soutenu par le parti communiste Akel et ancien le chef des négociateurs chypriotes-grecs dans les pourparlers sur la réunification de l'île (2013-2022), ainsi qu'Averof Neofytou, 61 ans, leader du parti conservateur au pouvoir, Disy.

Hubert Faustmann, professeur de politique et d'histoire à l'Université de Nicosie, parle d'un scrutin «étrange» où «les trois favoris sont liés à l'actuel président», 76 ans, qui achève son deuxième mandat de cinq ans et ne peut plus se représenter. Selon les sondages, aucun candidat ne serait en mesure de remporter la majorité absolue des voix au 1er tour. Un 2e tour serait alors organisé le 12 février.

Corruption «endémique»

Membre de l'Union européenne, Chypre est divisée depuis l'invasion par la Turquie en 1974 du tiers nord de l'île, en réponse à un coup d'Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient rattacher le pays à la Grèce.

Le gouvernement chypriote-grec, qui n'exerce son autorité que sur la partie sud, est reconnu par la communauté internationale, tandis que l'autoproclamée République turque de Chypre-Nord (RTCN), où vivent les Chypriotes turcs, n'est soutenue que par Ankara.

Le nouveau dirigeant sera confronté à des défis sur le plan socio-économique, dont «le défi le plus urgent sera de s'attaquer à la hausse des prix», notamment de l'électricité, estime Fiona Mullen, directrice de la société de conseil Sapienta Economics basée à Nicosie. En 2022, l'inflation a atteint son plus haut niveau en quatre décennies à 10,9%, provoquant une grève générale fin janvier pour des revendications salariales.

La lutte contre la corruption est aussi au coeur du débat électoral, notamment après le scandale des «passeports en or». Ce programme d'octroi de passeports contre des investissements sur l'île a dû être annulé en raison d'allégations de corruption, entachant l'image du gouvernement de M. Anastasiades.

«Les candidats ou leurs partisans tentent de faire porter à leurs rivaux la responsabilité d'un problème qui est endémique dans le pays», indique Mme Mullen à l'AFP. Autre sujet d'actualité: l'afflux de migrants, pour lequel Nikos Christodoulides et les deux autres principaux candidats ont promis d'agir.

«Pas de bouleversement»

Les autorités chypriotes affirment que 6% des 915'000 personnes vivant dans le sud de l'île sont des demandeurs d'asile. Selon des chiffres de l'UE publiés en octobre, Chypre détient le second taux le plus élevé de primo-demandeurs d'asile par rapport à sa population dans l'Union européenne, derrière l'Autriche.

D'après M. Faustmann, les trois candidats ont sensiblement la même ligne en s'engageant à «en faire davantage pour le rapatriement des migrants, le contrôle aux frontières et pour obtenir plus d'aide de l'UE». Le gouvernement reproche à la Turquie d'orchestrer une bonne partie de l'arrivée des réfugiés originaires de Syrie et de migrants d'Afrique subsaharienne via la «Ligne verte» qui délimite les deux parties de l'île.

Le futur chef d'Etat sera justement appelé à relancer les pourparlers de paix, au point mort, pour mettre fin à la division de l'île. Selon M. Faustmann, «il s'agit de la plus longue période sans négociations directes», les dernières discussions remontant à 2017.

Sur ce dossier, M. Mavroyiannis, vu comme un «dur» dans les discussions avec les Chypriotes-turcs, «adopte maintenant des positions plus modérées» pour être en accord avec la ligne du parti Akel, indique M. Faustmann.

M. Christodoulides est considéré lui comme un «faucon», et souhaite que l'UE isole la Turquie. Le processus diplomatique parrainé par l'ONU achoppe sur de nombreux points comme la présence de 40'000 soldats turcs en RTCN.

En matière de politique étrangère, rien ou presque ne changera, prévient M. Faustmann. «Les trois (candidats favoris) sont pro-européens et soutiennent les sanctions occidentales contre la Russie», mises en place après l'invasion de l'Ukraine, juge-t-il. «Il n'y aura pas de bouleversement du système» en place.