Justin TrudeauIl existe des «indices clairs» que l'Inde a bafoué la souveraineté du Canada
AFP
16.10.2024
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a affirmé mercredi que des «indices clairs» montraient que l'Inde avait bafoué la souveraineté du Canada avec l'assassinat -- attribué par Ottawa aux services secrets indiens -- d'un dirigeant séparatiste sikh en 2023 à Vancouver.
AFP
16.10.2024, 21:46
Marc Schaller
Au moment de révéler au grand public cette implication supposée de l'Inde, le gouvernement canadien possédait «des indices clairs -- et certainement désormais encore plus clairs -- que l'Inde avait bafoué la souveraineté du Canada», a déclaré le Premier ministre lors d'une audition devant la Commission sur l'ingérence étrangère.
La police fédérale canadienne, la Gendarmerie royale (GRC), avait annoncé lundi détenir des «éléments de preuve» quant à «l'implication d'agents du gouvernement de l'Inde dans des activités criminelles graves au Canada», notamment l'assassinat du citoyen canadien Hardeep Singh Nijjar, qui militait pour la création d'un Etat sikh indépendant dans le nord de l'Inde appelé le «Khalistan».
Tué sur le parking d'un temple sikh à Vancouver (ouest) en juin 2023, Hardeep Singh Nijjar, qui avait immigré au Canada en 1997 avant d'être naturalisé en 2015, était recherché par les autorités indiennes pour terrorisme présumé et conspiration en vue de commettre un meurtre.
Trois mois plus tard, Justin Trudeau avait affirmé qu'il existait des «éléments crédibles» sur un lien entre des agents du gouvernement indien et ce meurtre.
«Querelle»
L'annonce avait envenimé les relations entre les deux pays. L'Inde avait ainsi provisoirement restreint les visas pour les Canadiens et obligé le Canada à rapatrier certains de ses diplomates.
Les tensions sont encore montées d'un cran lundi avec l'expulsion réciproque des ambassadeurs et de cinq autres diplomates de haut rang des deux pays.
Le ministère indien des Affaires étrangères a qualifié d'"absurdes" les accusations selon lesquelles l'Inde serait impliquée dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar, y voyant une «stratégie de diffamation de l'Inde à des fins politiques».
Devant la commission mercredi, Justin Trudeau a déclaré que son gouvernement ne souhaitait pas se trouver en position de «querelle avec un partenaire commercial important».
Il a affirmé que la décision de la Gendarmerie royale du Canada de dévoiler des détails lundi sur l'implication d'agents indiens était «entièrement fondée» dans l'intérêt de la sécurité publique.
Selon le Premier ministre, la GRC détient des preuves que des actes de violence contre des Canadiens ont été «permis et dans de nombreux cas ordonnés par le gouvernement indien».
Le GRC tentait de perturber ainsi les activités qui ont entraîné «des coups de feu tirés depuis des voitures, des effractions de domiciles, de l'extorsion violente, et même des meurtres à travers le Canada, et particulièrement dans les populations originaires d'Asie du Sud», a ajouté Justin Trudeau.
«Groupe Bishnoi»
Le Premier ministre a détaillé ensuite des agissements impliquant selon lui des diplomates indiens «ayant récolté des informations sur des Canadiens qui sont des opposants ou en désaccord avec le gouvernement Modi, et ayant ensuite fait passer ces informations à des organisations criminelles comme le gang de Lawrence Bishnoi afin d'entraîner des violences contre des Canadiens».
Déjà réputé pour conduire des assassinats et des extorsions en Inde, le groupe criminel Bishnoi est désormais accusé d'être impliqué dans le meurtre d'Hardeep Singh Nijjar.
Le chef de ce gang, Lawrence Bishnoi, est actuellement détenu dans l'Etat indien du Gujarat, où il doit être jugé pour contrebande d'héroïne en provenance du Pakistan.
Parmi les cibles présumées de son groupe, on compte l'assassinat d'un célèbre rappeur sikh en 2022 et l'exécution d'un homme politique de premier plan à Bombay, début octobre.
Selon la GRC, le «groupe Bishnoi» est une entité du crime organisé utilisée par le gouvernement indien pour cibler des membres de la diaspora d'Asie du Sud et des séparatistes sikhs.
Quelque 770.000 Sikhs vivent au Canada, constituant 2% de la population et la plus grande communauté en dehors d'Inde, avec une minorité active réclamant la création d'un Etat indépendant en Inde.