Il est devenu une figure clé du Brexit avec ses tonitruants «Order!«, ses répliques cinglantes et des décisions parfois jugées partiales. Le président conservateur de la Chambre des communes, John Bercow, quitte jeudi son fauteuil après dix ans en poste.
Pour le Royaume-Uni, le 31 octobre devait rester dans l'histoire comme marquant la fin de près d'un demi-siècle dans le giron européen. A 56 ans, le «speaker» avait logiquement choisi cette date pour tourner la page.
Mais la sortie de l'UE a été repoussée pour la troisième fois. Au moment où commence une nouvelle saison de l'interminable feuilleton, avec des élections législatives anticipées, le pays dit au revoir à l'un de ses personnages les plus truculents, dont le successeur sera désigné lundi parmi neuf candidats.
Avec sa robe de soie noire et ses cravates criardes, il a dirigé les débats tambour battant, criant son fameux «Order!» 14'000 fois en dix ans, selon les calculs de la BBC. Surtout, son interprétation personnelle de ses attributions, parfois au détriment des gouvernements successifs, lui a conféré un rôle plus décisif que celui de ses prédécesseurs.
Se joignant aux hommages mercredi avec une tirade qualifiée par le tabloïd Daily Mail d'«ampoule de cyanure dans un chocolat», Boris Johnson a salué les qualités d'arbitre de cet amateur de tennis «attribuant les meilleurs points de procédure avec (son) fameux air renfrogné à la Tony Montana», en référence au héros trafiquant de drogue du film Scarface.
«Joueur à part entière»
Il a relevé que John Bercow ne se comportait pas seulement en «commentateur», mais en «joueur à part entière», délivrant ses opinions «comme un lance-balles de tennis incontrôlable».
Du haut de son 1m68, ce conservateur issu d'un milieu modeste – son père était chauffeur de taxi – a été une épine dans le pied des gouvernements tory successifs. David Cameron avait même tenté de l'évincer, en vain.
A deux reprises cette année, il a refusé des votes, à Theresa May puis à Boris Johnson, sur leurs accords de Brexit, en vertu du principe qu'un même texte ne pouvait être débattu plusieurs fois, s'attirant des accusations de partialité dans son camp.
Il s'est aussi attiré les reproches de conservateurs pour s'être prononcé contre une prise de parole de Donald Trump au Parlement lors d'une visite du locataire de la Maison Blanche en 2018. Son adjointe Eleanor Laing, candidate à sa succession, a estimé récemment qu'il s'était «écarté» de la règle de droit, l'accusant d'«arrogance».
Famille juive modeste
Né le 19 janvier 1963, John Bercow a grandi dans une famille juive modeste du nord de Londres. Après des études de sciences politiques, il devient conseiller municipal du quartier londonien de Lambeth à 23 ans. En 1997, il est élu député pour la première fois, dans la circonscription de Buckingham, dans le nord-ouest de la capitale.
En 2009, il accède à la présidence de la Chambre des communes sous un gouvernement travailliste, promettant de rompre avec les pratiques de son prédécesseur, impliqué dans un scandale de notes de frais.
Plus jeune titulaire, à 46 ans, de cette prestigieuse fonction, John Bercow s'est employé à la dépoussiérer, abandonnant certains éléments de la tenue traditionnelle comme la perruque. En juin 2017, il permet aux députés de siéger sans cravate.
Comportement tyrannique
Il a cependant été critiqué pour les frais réclamés pour rénover son appartement de fonction, et son comportement tyrannique avec ses équipes, même s'il réfute tout harcèlement.
Son épouse, Sally Bercow, a fait les titres de la presse pour avoir posé vêtue d'un seul drap blanc pour un magazine, participé à un programme de téléréalité, et pour s'être présentée à une élection locale sous l'étiquette du Parti travailliste, adversaire politique de son mari.
Hommage suprême: une effigie de John Bercow sera brûlée samedi lors de la traditionnelle nuit du feu de joie à Edenbridge, petite commune du sud de l'Angleterre, succédant à Boris Johnson, Donald Trump ou Saddam Hussein.
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