L'Ukraine a accusé dimanche la Russie de «génocide», affirmant avoir retrouvé les corps de 410 civils dans la région de Kiev récemment reprise aux forces de Moscou. Des découvertes macabres qui ont soulevé l'indignation en Europe et aux États-Unis.
Des soldats ukrainiens marchent dimanche au milieu des blindés russes détruits à Boutcha, près de Kiev
Le corps sans vie d'un homme avec les mains liées dans le dos gît sur le trottoir dimanche à Boutcha.
Une femme en pleurs attend une distribution de nourriture dans le village de Motyzhyn, jusqu'à récemment aux mains des Russes.
Kiev dit avoir retrouvé les corps de 410 civils, accuse Moscou de «génocide» - Gallery
Des soldats ukrainiens marchent dimanche au milieu des blindés russes détruits à Boutcha, près de Kiev
Le corps sans vie d'un homme avec les mains liées dans le dos gît sur le trottoir dimanche à Boutcha.
Une femme en pleurs attend une distribution de nourriture dans le village de Motyzhyn, jusqu'à récemment aux mains des Russes.
«Oui, c'est un génocide. L'élimination de toute la nation et des gens (...). Et cela se passe dans l'Europe du XXIe siècle», a affirmé le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la chaîne américaine CBS.
Selon la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova, les corps sans vie de 410 civils ont été retrouvés dans les territoires de la région de Kiev récemment repris aux troupes russes.
Tour à tour, Washington, Paris, Berlin ou Londres ont dénoncé les «atrocités», voire les «crimes de guerre», commis notamment à Boutcha, une petite ville au nord-ouest de Kiev où de nombreux cadavres de civils étaient visibles dans les rues.
Des images fabriquées pour Moscou
L'armée russe a, elle, démenti avoir tué des civils à Boutcha, assurant s'être retirée le 30 mars de cette ville et accusant l'Ukraine d'avoir fabriqué les images «à l'intention des médias occidentaux».
La guerre a fait, a minima, des milliers de morts et a contraint à l'exil près de 4,2 millions d'Ukrainiens, à 90% des femmes et des enfants, depuis le début de l'invasion russe le 24 février.
«C'était l'enfer»
L'AFP avait vu samedi les cadavres d'au moins vingt hommes portant des vêtements civils gisant dans une rue de Boutcha, reconquise cette semaine par les troupes ukrainiennes. L'un d'eux avait les mains liées et les corps étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres. «C'était l'enfer (...) Dieu nous a sauvés», a déclaré un homme dans la ville à l'AFP.
Les corps de 57 personnes ont été retrouvés dans une fosse commune à Boutcha, a déclaré dimanche le chef des secours locaux, en montrant à une équipe de l'AFP ce site.
«Ces images sont un coup de poing à l'estomac», a réagi le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken sur la chaîne CNN. Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a pour sa part dénoncé une «brutalité inédite en Europe depuis des décennies» et le président français Emmanuel Macron affirmé que «les autorités russes devront répondre de ces crimes».
Guterres pour une «enquête indépendante»
Le Premier ministre britannique Boris Johnson a qualifié de «crimes de guerre» les «attaques abjectes» de la Russie contre des civils, promettant d'accroître les sanctions contre Moscou.
A Genève, le bureau des droits de l'Homme de l'ONU a estimé que la découverte des corps à Boutcha soulevait «de sérieuses questions quant à de possibles crimes de guerre». «Profondément choqué» le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé «une enquête indépendante».
Nouvelles sanctions exigées
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba a exigé de nouvelles sanctions immédiates du G7 à l'encontre de la Russie, notamment un embargo total sur l'énergie, la fermeture des ports à tout bateau ou marchandise russe et la déconnection de toutes les banques russes de la plateforme financière internationale Swift.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a également réclamé de nouvelles sanctions contre Moscou après «des crimes de guerre» commis à Boutcha.
Boutcha comparé à Srebrenica
Le conseiller présidentiel ukrainien, Mykhaïlo Podoliak, a néanmoins regretté que l'Occident essaie de «ne pas provoquer les Russes» pour éviter la Troisième Guerre mondiale, comparant le massacre de Boutcha à celui de Srebrenica en 1995, pendant la guerre de Bosnie-Herzégovine.
Boutcha et la ville voisine d'Irpin, toutes deux rendues méconnaissables par les bombardements, ont été le théâtre de certains des combats les plus féroces depuis que la Russie a attaqué l'Ukraine, quand les soldats russes tentaient alors d'encercler Kiev.
Human Rights Watch a également dénoncé dimanche des exactions de militaires russes contre des civils assimilables à des «crimes de guerre» dans les régions de Tchernihiv, Kharkiv et Kiev, disant avoir recensé plusieurs cas de «violations des lois de la guerre» (viol, exécutions sommaires, violences, menaces, pillages).
De son côté, la Directrice générale de l'Unesco Audrey Azoulay, a condamné le meurtre du photographe et vidéaste Maksim Levin porté disparu le 13 mars, dont le corps a été retrouvé dans un village au nord de Kiev samedi.
Responsable de l'ONU à Moscou
Les troupes russes se sont retirées d'Irpin, Boutcha, Gostomel et de toute la région de Kiev ainsi que de Tcherniguiv, dans le nord du pays, pour se redéployer vers l'est et le sud.
Le secrétaire général adjoint de l'ONU pour les Affaires humanitaires, le Britannique Martin Griffiths, est arrivé dans ce contexte dimanche soir à Moscou, avant de se rendre à Kiev, mandaté pour rechercher un cessez-le-feu humanitaire en Ukraine.
Jusqu'à présent, la Russie refusait toute visite d'un haut responsable de l'ONU ayant l'Ukraine pour sujet principal. Son négociateur en chef dans les pourparlers de paix avec l'Ukraine, Vladimir Medinski, a fait l'éloge dimanche d'une position «plus réaliste» de Kiev prêt, sous conditions, à accepter un statut neutre et dénucléarisé du pays, réclamé par Moscou.
Mais il a dit ne pas «partager l'optimisme» du négociateur ukrainien David Arakhamia, qui avait laissé entendre que les discussions visant à mettre fin aux hostilités avaient considérablement avancé.
Aide grecque à Odessa
Toujours sur le front diplomatique, le ministre grec des Affaires étrangères Nikos Dendias est arrivé dimanche à Odessa, apportant une aide humanitaire à ce port du sud-ouest de l'Ukraine, situé sur la Mer Noire, attaqué quelques heures plus tôt.
Dimanche au petit matin, une demi-douzaine d'explosions ont secoué les murs de la ville historique, jusqu'à présent épargnée par les combats, selon des journalistes de l'AFP et des habitants. Puis un nuage de fumée noire a bouché une partie de l'horizon.
Ces frappes n'ont pas fait de victimes selon le commandement régional de l'armée ukrainienne. Le ministère russe de la Défense a affirmé quant à lui que des tirs de «missiles de haute précision à partir de la mer et de la terre» avaient détruit «une raffinerie et trois dépôts de carburant et de lubrifiants» près de cette ville.
Marioupol résiste toujours
Dans le sud-est du pays, les efforts des troupes russes pour consolider leurs positions se sont heurtés jusqu'ici à la résistance des Ukrainiens à Marioupol, où quelque 160'000 personnes seraient toujours bloquées et dont au moins 5000 habitants ont été tués, selon les autorités locales.
Parmi ces victimes figure le réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius, 45 ans, tué en tentant de quitter cette ville portuaire assiégée par les Russes, a annoncé dimanche l'armée ukrainienne.
Pour Moscou, contrôler Marioupol permettrait d'assurer une continuité territoriale de la Crimée jusqu'aux deux républiques séparatistes prorusses du Donbass. La Russie a annoncé en fin de semaine vouloir «concentrer ses efforts sur la libération» de ce bassin minier de l'est de l'Ukraine.
Les civils fuient
Des centaines de personnes – femmes, enfants et personnes âgées – fuyaient dimanche la ville de Kramatorsk, dans l'est, par peur d'une possible offensive russe sur cette partie du pays, a constaté l'AFP.
Les forces russes continuent également «de bloquer partiellement la ville de Kharkiv», la deuxième ville d'Ukraine, située également dans l'est.
Si près de 4,2 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis le 24 février, plus de 500'000 personnes sont retournées en Ukraine depuis le début de l'invasion russe, a annoncé dimanche le ministère ukrainien de l'Intérieur.