Afrique du SudLes premiers vaccins ne sont pas encore arrivés
ATS
14.1.2021 - 08:42
Première puissance industrielle du continent, l'Afrique du Sud n'a pas encore reçu ses premiers vaccins. Submergé par une deuxième vague meurtrière de Covid-19, le pays fait face à l'immense défi de la vaccination à l'échelle de toute une population.
«Ce sera la plus importante et la plus complexe opération logistique de l'histoire de notre pays», a reconnu lundi le président Cyril Ramaphosa. «Plus vaste que notre programme de traitement du VIH», dans ce pays le plus touché au monde par le sida.
Après des semaines d'incertitude et de silence, le gouvernement a assuré que les premières doses arriveront rapidement. Un million en janvier, 500'000 en février. Ces vaccins développés par AstraZeneca et l'université d'Oxford, produits en Inde par le Serum Institute of India (SII) et qui nécessitent deux injections, sont destinés aux 1,2 million de soignants, en première ligne.
«Il est pratiquement impossible que les soignants soient vaccinés en janvier, il reste deux semaines et le pays n'a toujours pas de vaccins», assène auprès de l'AFP Angelique Coetzee, la présidente de l'association des médecins.
Vingt millions de doses sont promises pour la première moitié de l'année, a annoncé M. Ramaphosa, sans autre détail. Les informations sur le programme de vaccination ont été rendues publiques au compte-gouttes.
Vaccins en quantité suffisante, difficultés de stockage, chaîne du froid, sécurité contre le vol, traçage, le défi est immense pour ce pays d'Afrique australe. Ensuite, «la principale difficulté sera de distribuer le vaccin dans les régions isolées. Il y a des parties du pays où il n'y a même pas de route», anticipe déjà le Pr. Barry Schoub, qui siège au conseil scientifique du ministère de la Santé.
Des «vautours»
A chaque occasion, le gouvernement assure que le processus sera transparent. Dans un pays où des responsables politiques, jusqu'au sommet de l'Etat, sont soupçonnés d'avoir bénéficié de contrats liés à la pandémie lors de la première vague, la promesse compte. «Les vautours festoient sur la misère du Covid-19», avait titré un hebdomadaire national.
La dernière annonce du président survient alors que le pays enregistre des chiffres record de contamination, comptant déjà plus d'1,2 million de personnes infectées.
L'Afrique du Sud participe par ailleurs au dispositif Covax de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour un accès équitable aux vaccins. Par ce biais, le pays recevra des vaccins pour 10% de la population, entre avril et juin.
Ce délai a incité le gouvernement, critiqué de toutes parts pour ne pas avoir obtenu ses premières doses alors que des campagnes d'immunisation étaient lancées ailleurs dans le monde, à pousser les négociations directes avec les entreprises pharmaceutiques pour obtenir des vaccins plus tôt.
«Des négociations sont en cours pour des vaccins supplémentaires pour immuniser 40 millions de personnes d'ici la fin de l'année», a précisé le Pr. Barry Schoub. Le gouvernement a précisé être en négociations avec plusieurs autres fabricants dont Pfizer, Moderna, AstraZeneca et Johnson&Johnson, ainsi qu'avec des laboratoires russes et chinois.
«Irréaliste, 67%»
Quarante millions, soit 67% de la population, deux chiffres totem agités par le gouvernement qui assure qu'une fois atteints, d'ici la fin de l'année selon lui, l'Afrique du Sud sera protégée par une immunité collective. «Irréaliste, 67%, ce n'est pas pour cette année», tranche Angelique Coetzee.
«Il faudrait vacciner 150'000 personnes par jour pendant les douze prochains mois, ce n'est pas faisable», constate-t-elle, alors que les soignants en sous-nombre sont à bout de souffle et le système de santé éreinté par des mois de pandémie. «Qui va vacciner tous ces gens?», interroge-t-elle.
Plusieurs groupes d'opposition jugent aussi les promesses du gouvernement «irréalisables». Pour certains, il a échoué sur toute la ligne, n'ayant pas «la moindre idée de comment gérer la crise du Covid-19».
L'OMS a appelé vendredi à «cesser de conclure des accords bilatéraux au détriment du Covax», au risque «de faire grimper le prix» des vaccins. Laissant des pays comme l'Afrique du Sud, qui n'ont pas les moyens d'immuniser leur population, avec un dilemme impossible entre obtenir un maximum de doses au plus vite et ne pas encourager une flambée des prix sur le marché très convoité des vaccins.