YémenL'Appel de Genève veut ouvrir un bureau dans la zone des Houthis
sn, ats
11.2.2021 - 09:44
L'Appel de Genève veut ouvrir cette année un bureau dans la zone des Houthis dans le nord du Yémen. La décision de Joe Biden de délister ces rebelles comme terroristes va faciliter les discussions. L'ONG vient aussi d'obtenir un succès auprès d'un autre groupe à Taëz.
Pour le moment, l'Appel de Genève n'a pas d'engagement direct auprès des rebelles Houthis qui combattent le gouvernement d'Aden depuis plusieurs années, dans un conflit qui a tué de nombreux civils. Mais elle oeuvre avec un partenaire dans le nord pour accompagner les membres de ce groupe et la société civile sur le droit international humanitaire (DIH).
Désormais, l'ONG veut étendre ce travail. «Nous espérons pouvoir ouvrir un bureau sur place cette année», dit dans un entretien à Keystone-ATS le directeur des opérations Hichem Khadhraoui, de retour d'une visite d'une semaine au Yémen, sa première sur le terrain depuis le début de la pandémie.
L'ancienne administration américaine de Donald Trump avait décidé récemment d'ajouter les Houthis à la liste de groupes terroristes, provoquant un tollé international. Sans le revirement de son successeur Joe Biden, «un soulagement», tout dialogue formalisé avec ces rebelles «aurait été compliqué», admet M. Khadhraoui.
Tous les groupes attendent davantage d'indications des Etats-Unis, qui ne soutiendront plus l'intervention militaire saoudienne contre les Houthis, sur leur positionnement actuel face au conflit. «On va revenir à une situation davantage pilotée par les Yéménites», avec un dialogue régional facilité, dit le directeur des opérations. Et d'ajouter que les acteurs armés qui souhaitent avoir un rôle politique à l'avenir doivent montrer leur honorabilité.
«Artisans»
Lors de son séjour, M. Khadhraoui a multiplié les réunions avec des groupes, mais aussi à Aden avec le ministère des Affaires étrangères. A Taëz, région d'affrontements, l'ONG a réussi à faire signer à la force qui contrôle la zone une déclaration unilatérale d'engagement à garantir l'accès à la santé et à l'assistance humanitaire et à empêcher la propagation du coronavirus.
«C'était long à négocier», dit le directeur des opérations. Ce dispositif doit permettre à des ONG comme Médecins Sans Frontières (MSF) de travailler sans être ciblées. L'Appel de Genève souhaite que d'autres entités armées dans le pays approuvent une déclaration similaire. Face à la pire crise humanitaire au monde, celles-ci doivent laisser passer l'aide, ne pas la détourner et ne pas limiter les déplacements, selon elle.
«Les besoins en formation au DIH sont énormes. Et nous sommes les seuls à le faire», comme des «artisans», ajoute M. Khadhraoui. Un travail complémentaire aux efforts de l'ONU et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), durement touché récemment par des attaques.
Habituellement, l'Appel de Genève négocie sur des années des Actes d'engagement formels avec les groupes armés sur la santé, contre les mines antipersonnel, contre le recours aux enfants ou contre les violences sexuelles. Mais avec la pandémie, l'ONG a misé sur un mécanisme plus flexible.
Sept groupes dans le monde ont déjà signé ces déclarations unilatérales. Un instrument considéré comme important alors que des entités armées «se substituent parfois aux gouvernements» dans la réponse au coronavirus.
Effort africain
Au Yémen, M. Khadhraoui a rencontré plusieurs responsables du Conseil de transition du Sud (STC). Malgré trois Actes d'engagement, celui-ci avait été épinglé l'année dernière par les experts indépendants mandatés par l'ONU.
Le STC «se sent responsabilisé» par rapport à ses engagements, insiste le directeur des opérations. Les mineurs sont désormais exclus quand ils se présentent pour rejoindre le groupe. Les nouveaux membres devront être davantage sensibilisés sur les mines antipersonnel, selon l'ONG. Même si aucune allégation d'utilisation de cet armement n'a été reçue.
Plus largement, l'Appel de Genève veut être plus présente en Afrique. Après un bureau au Mali, qui a permis notamment de convaincre une milice de laisser MSF travailler, elle souhaite oeuvrer au Burkina Faso. Un effort devrait être aussi mené au Soudan, où elle est active depuis longtemps, ou encore au Nigeria, où l'ONU souhaite sa présence.
L'Appel de Genève vient de rouvrir un bureau en Colombie. Une mission confidentielle a également eu lieu en décembre dans un «contexte nouveau» pour l'ONG qui ne le dévoile pas encore.
En Birmanie, présente avant l'arrivée au gouvernement d'Aung San Suu Kyi, l'Appel de Genève suit la situation après le coup d'Etat récent des militaires. «On espère qu'il n'y aura pas d'impact pour les déplacements sur le terrain», dit le directeur des opérations.