Pacte des migrations L'attitude suisse épinglée à Marrakech

ATS

10.12.2018 - 17:33

La charge la plus importante contre la Suisse a été lancée par le président de la Fédération internationale des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) Francesco Rocca.
La charge la plus importante contre la Suisse a été lancée par le président de la Fédération internationale des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) Francesco Rocca.
Source: KEYSTONE/EPA/JALAL MORCHIDI

L'adage affirme que les absents ont toujours tort. En n'allant pas à Marrakech pour l'approbation du Pacte mondial des migrations, la Suisse s'est attiré des réactions allant de la colère à la tristesse, en passant par des accusations de maladresse sur son calendrier.

Cofacilitateur de cet accord non contraignant avec Berne pendant 18 mois - à raison d'une séance par mois -, le Mexique ne comprend pas le report du soutien suisse en attendant la poursuite des discussions au Parlement. "Je suis déçu", a dit à Keystone-ATS le nouveau ministre des affaires étrangères de ce pays Marcelo Ebrard.

"Avec son engagement sur les droits de l'homme" et une tradition d'assistance contre la pauvreté et sur les migrants, "nous attendions" une autre décision, dit-il.

De son côté, le Mexique a avancé vers un dispositif supplémentaire dès lundi en annonçant le premier plan d'application du Pacte avec trois pays de la région, une zone migratoire importante. Il va notamment réaménager son approche légale pour les migrants et investir 30 milliards de dollars au sud du pays sur cinq ans.

Crédibilité mise en danger

Mais la charge la plus importante contre la Suisse aura été lancée par la Fédération internationale des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), établie à Genève. L'attitude suisse "met en danger" la crédibilité du pays sur les questions humanitaires, selon son président Francesco Rocca. Présent à Marrakech, il s'est dit "très triste".

Parfois, des Etats acceptent des compromis difficiles dans des négociations internationales "parce qu'ils font confiance" à celui qui les dirige, ajoute M. Rocca. "Nous faisions confiance aux Suisses" sur le Pacte sur les migrations.

Plusieurs actions controversées

"On peut attendre cela des Etats-Unis ou de l'Australie. Même de l'Italie. Mais pas des Suisses", a estimé un responsable d'une organisation internationale à Genève. D'autant plus que cette réunion vient au terme d'une séquence où les décisions de la Suisse ont été largement critiquées par les ONG internationales.

Au refus de signer le Traité d'interdiction des armes nucléaires s'est ajouté notamment celui d'attribuer un pavillon suisse au navire de sauvetage en mer Aquarius il y a quelques jours. Pour autant, la Suisse n'est elle de loin pas le seul pays qui a reporté sa décision sur le Pacte. Mais elle est ciblée davantage parce qu'elle a copiloté les négociations.

Un changement d'attitude qui avait "vraiment déçu" la Haute commissaire aux droits de l'homme Michelle Bachelet. Il est même "particulièrement regrettable" pour la secrétaire de la conférence de Marrakech, la représentante du secrétaire général de l'ONU pour la migration internationale Louise Arbour.

Les responsables onusiens ont rappelé ces derniers mois que l'accord n'est pas contraignant. De quoi énerver certaines organisations humanitaires. Le Pacte "devrait être contraignant", dit l'un de ses représentants.

ONG et syndicats "déçus"

Dans une déclaration conjointe, plus de 90 ONG et syndicats, dont quelques-uns établis en Suisse, se disent "déçus" des Etats qui se sont retirés. Mais ils ne mentionnent pas ceux, comme la Suisse, qui ont décalé leur décision.

Le Conseil fédéral souhaitait s'associer au Pacte. Mais la question a été portée sur le terrain parlementaire où la discussion s'est emballée. Le gouvernement a fini par revoir sa position et reporter son soutien, face à la volonté des Chambres fédérales de pouvoir trancher.

Plusieurs législatifs européens se sont saisis de la question. Les gouvernements ont fait preuve d'un "déficit démocratique", y compris en Suisse, selon le représentant d'une ONG internationale à l'ONU à Genève. Mais il regrette une certaine maladresse en terme de calendrier. Selon lui, "le débat aurait dû avoir lieu plus tôt".

La Suisse n'aura pas été entièrement absente au Maroc. Après avoir copiloté les négociations, son ambassadeur à l'ONU à New York Jürg Lauber, ciblé par l'UDC, a reçu un hommage, notamment du président de la conférence, le chef de la diplomatie marocaine Nasser Bourita. Celui-ci n'a en revanche pas abordé les Etats qui n'ont pas ou pas encore soutenu l'accord.

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