Jair Bolsonaro:«Je resterai dans ce fauteuil jusqu'à la fin 2022»
ATS
1.2.2021 - 08:43
Le président brésilien Jair Bolsonaro a été à la manoeuvre pour faire élire ce lundi à la tête des deux chambres du Parlement des hommes qui lui permettent d'écarter une destitution et d'être réélu en 2022. Il risque toutefois de payer très cher les soutiens politiques qu'il a reçus.
Au Brésil, les présidents de la chambre des députés et du Sénat déterminent les lois à voter. De plus, c'est au chef de la chambre basse qu'il appartient de décider de la recevabilité des plaintes d'«impeachment», de destitution.
La gestion erratique de la pandémie due au nouveau coronavirus, qui a fait près de 225'000 morts au Brésil, a érodé la popularité du président d'extrême droite. Son taux d'approbation est passé de 37% en décembre à 31% en janvier, alors que celui de son rejet progressait de 32% à 40%, selon l'institut Datafolha.
La chambre des députés a reçu 61 demandes de destitution de Jair Bolsonaro. Des manifestations ont également lieu dans le pays pour son départ, y compris de groupes de droite qui l'avaient soutenu lorsqu'il est arrivé au pouvoir il y a plus de deux ans.
«Je resterai dans ce fauteuil jusqu'à la fin 2022», a assuré M. Bolsonaro mercredi, balayant d'un revers de manche la menace de destitution. L'économie brésilienne, déjà anémique, est frappée par la pandémie et les marchés ne souhaitent pas la reprise du versement de l'aide d'urgence qui a permis en 2020 à 68 millions de pauvres de garder la tête hors de l'eau, mais a aussi vidé encore davantage les caisses.
La pression s'accroît au contraire sur Jair Bolsonaro pour qu'il relance réformes et privatisations. Et pour tout cela, il a besoin du soutien des présidents de la chambre et du Sénat, qui seront élus lors d'une séance débutant lundi en fin de journée.
Après avoir été affilié à une myriade de partis en 28 ans de députation, Jair Bolsonaro est arrivé au pouvoir sous la bannière du minuscule PSL (droite), qu'il a finalement quitté. Il se retrouve sans parti.
Lors de sa campagne, il avait promis d'en finir avec la corruption et les pratiques de la «politique à l'ancienne», tel le «toma là, dà cà» (prends cela, donne-moi ceci, en français), le soutien des élus au Parlement en échange de postes au gouvernement ou dans l'administration notamment.
Portefeuilles ministériels
Mais Jair Bolsonaro s'est rapproché du «centrao», groupe hétérogène de partis conservateurs qui dominent la vie politique depuis des décennies et négocient leurs votes au gré des circonstances et des avantages qu'ils peuvent en retirer.
À la chambre des députés, M. Bolsonaro soutient Arthur Lira, du parti progressiste (PP, droite). Entre autres cadeaux, il a fait miroiter au 'centrao' trois portefeuilles, notamment à la culture, qui retrouverait un ministère.
Le principal adversaire de M. Lira est Baleia Rossi, du mouvement démocratique brésilien (MDB), qui s'est allié à quasiment tous les gouvernements de gauche ou de droite depuis la fin de la dictature militaire en 1985.
M. Rossi est soutenu par le président sortant de la chambre, Rodrigo Maia, du parti DEM (centre-droit), qui s'oppose aux lobbys religieux conservateurs et notamment aux évangéliques, dont Bolsonaro aura à nouveau besoin pour être élu.
«Otage du 'centrao'»
«Le gouvernement tente désespérément de s'emparer de la présidence de la chambre, d'[empêcher la mise en oeuvre de, ndlr] politiques de protection de l'environnement, de libéraliser les ventes d'armes», a raillé M. Maia en décembre.
À la tête du Sénat, Jair Bolsonaro soutient Rodrigo Pacheco (DEM), qui est également soutenu par le parti des travailleurs (PT, gauche) de l'ex-président Luiz Inácio Lula da Silva. Son principal rival est Simone Tebet, du MDB (centre-droit).
Jair Bolsonaro n'aura pas une grande marge de manoeuvre même «si ses candidats gagnent», dit à l'AFP Thiago Vidal, analyste chez Prospectiva. Le 'centrao' ne reste fidèle que si les conditions sont réunies. Et, aujourd'hui, elles ne le sont pas, avec une économie très fragile et la popularité de Bolsonaro en recul. Son gouvernement restera l'otage du «centrao'», prédit-il.
Sylvio Costa, directeur de Congresso em Foco, ne pense pas non plus que la victoire de «ses» candidats tirera le président d'affaire. «Le 'centrao' fait payer cher son soutien et cela pose plus de problèmes pour l'avancée du calendrier législatif», explique-t-il.