Présidentielle américaine L'élection américaine aura beaucoup d'effets

ATS

6.11.2020 - 16:59

La présidence de Donald Trump et l'élection de cette année devraient avoir des effets importants sur les normes aux Etats-Unis.
La présidence de Donald Trump et l'élection de cette année devraient avoir des effets importants sur les normes aux Etats-Unis.
Source: KEYSTONE/AP/Evan Vucci

Des observateurs accusant Donald Trump d'«abus de pouvoir» ou des militants qui veulent assaillir le dépouillement, la présidentielle américaine a abouti à des scènes inhabituelles. La séquence entamée il y a quatre ans «va faire beaucoup de tort», selon un expert.

Jeudi, les observateurs mandatés par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) avaient rendu une première évaluation accablante du scrutin. La déclaration de victoire mercredi de M. Trump et sa demande d'arrêter le dépouillement au milieu de celui-ci depuis la Maison Blanche, avec les attributs liés à sa fonction, ont été considérées comme un «abus de pouvoir flagrant».

Dans le sillage de ses accusations de fraude, certains soutiens du président ont exigé d'entrer dans les centres de dépouillement pour «voir les bulletins». Deux militants actifs dans les milieux complotistes ont été arrêtés en Pennsylvanie alors qu'ils préparaient un attentat contre l'un de ces sites.

«Cette élection, et même ces quatre dernières années, ont remis en question toute une série de pratiques et de normes démocratiques que les Américains prenaient pour acquises», a affirmé vendredi dans un entretien à Keystone-ATS le directeur des élections et de la démocratie à la Fondation Kofi Annan à Genève, Sébastien Brack. Ce précédent «va faire beaucoup de tort aux Etats-Unis, que Donald Trump soit battu ou non».

Avant même le scrutin, le chef de l'Etat avait déjà refusé de garantir qu'il reconnaîtrait une défaite. «Ce qui est grave», dit M. Brack. Le style populiste du président est «payant électoralement» et d'autres pourraient chercher à s'en inspirer, ajoute-t-il. Pour autant, il ne faut pas attribuer au seul Donald Trump les antagonismes.

«Désintermédiation»

Les résultats montrent une polarisation assez similaire à celle habituelle. Mais le ton s'est durci entre les fronts et des études montrent que 20% des membres de parti justifient même des violences contre le camp opposé, affirme M. Brack.

Sur le contenu, les processus techniques et les luttes identitaires prennent désormais le pas sur les questions économiques et les revendications sociales.

Pour autant, tous les électeurs de Trump «ne sont pas racistes» et ont validé des promesses honorées. Notamment sur la baisse des impôts, le transfert de l'ambassade américaine en Israël ou la nomination de juges conservateurs à la Cour suprême, nuance le responsable de la Fondation Kofi Annan.

M. Brack refuse de blâmer les réseaux sociaux qui ont contribué, notamment avec M. Trump, à une «désintermédiation» des relations entre gouvernants et citoyens. «Le problème n'est pas le véhicule, mais l'environnement politique préexistant», a conclu un rapport de la Commission sur les élections et la démocratie à l'ère du numérique de la Fondation Kofi Annan.

Médias polarisés

Ciblées ces dernières années, les entreprises derrière les réseaux sociaux ont «déployé des efforts sans précédent», selon M. Brack. Preuve en est, plusieurs tweets de M. Trump ont été masqués ces derniers jours.

Le rapport de la Fondation a identifié trois facteurs de vulnérabilité qui «sont malheureusement présents aux Etats-Unis et moins en Europe», dit M. Brack. Parmi eux, une forte polarisation politique avant même l'émergence des réseaux sociaux, une baisse de confiance dans les institutions et des médias polarisés.

Aux Etats-Unis, le durcissement médiatique a été entamé au milieu des années 80 avec l'abrogation de la «fairness doctrine» qui obligeait les médias à faire preuve d'équilibre et de modération.

Large participation

Face à cette érosion des normes, les Etats-Unis sauront toutefois faire face aux perturbations. «Un pays qui a une si longue histoire démocratique derrière lui est mieux armé pour résister à ce genre de menaces qu'une démocratie qui a 20 ans», dit M. Brack. «Mais la légitimité des institutions risque d'être durablement minée».

Il retient aussi que la participation a été la plus importante depuis plus d'un siècle. Alors même que les populations occidentales ont plutôt eu tendance à déconsidérer les élections depuis quelques années.

Sur la scène internationale, la remise en question de dizaines d'années de modèle des démocraties libérales n'a pas débuté avec M. Trump. «Mais le scénario de la présidentielle de cette année ne va pas contribuer à renforcer celles-ci face aux modèles plus autoritaires», selon M. Brack. L'attitude de M. Trump «donne plus de liberté» à des régimes qui peuvent gouverner «sans hypocrisie».

Les problèmes identifiés dans des pays troublés sont observés désormais aux Etats-Unis. A tel point qu'en Afrique, certains ont proposé avec ironie de faciliter un dialogue pour sortir ceux-ci de la crise.

Etablie à Genève, la Fondation Kofi Annan oeuvre pour renforcer l'intégrité électorale dans le monde, notamment dans les démocraties considérées comme plus fragiles qu'elle accompagne.

Retour à la page d'accueil