Pakistan L'ex-Premier ministre Nawaz Sharif de retour d'exil

ATS

21.10.2023 - 13:12

L'ancien Premier ministre pakistanais Nawaz Sharif est rentré samedi dans son pays, après presque quatre années d'exil à Londres provoqué par ses déboires avec la justice. Il veut tenter de ramener son parti au pouvoir à l'approche des élections.

Nawaz Sharif reste sous le coup d'une condamnation à sept ans de prison pour corruption
Nawaz Sharif reste sous le coup d'une condamnation à sept ans de prison pour corruption
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Keystone-SDA

Le retour de celui qui a été trois fois Premier ministre intervient alors que son principal rival, le très populaire Imran Khan, est emprisonné depuis août et inéligible pour cinq ans.

M. Sharif, qui avait passé les derniers jours à Dubaï, a atterri samedi à Islamabad, à bord d'un vol affrété rempli de journalistes. Les chaînes de télévision pakistanaises ont retransmis son arrivée en direct.

«Nous sommes tout à fait prêts pour les élections», a-t-il déclaré avant le décollage de son avion. «Notre pays, qui aurait dû être au sommet de la prospérité, a vraiment régressé».

Pour revenir au Pakistan, Nawaz Sharif a dû tempérer ses critiques envers l'armée dont il aurait obtenu, selon des analystes, la garantie de ne pas être incarcéré.

M. Sharif, 73 ans, doit être accueilli dans la journée par ses partisans lors d'un grand rassemblement à Lahore (est), capitale de la province du Pendjab, son fief électoral. A Lahore, les rues ont été recouvertes de banderoles, d'affiches et de drapeaux verts et jaunes lui souhaitant la bienvenue.

Plus de 7000 policiers ont été mobilisés pour cette occasion, selon un officier.

«Dieu lui a donné une chance de revenir et de redresser la situation. Il l'a déjà fait par le passé», déclare un jeune sympathisant, Razi Ullah. «Les pauvres sont désespérés».

Peine de prison

La Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) compte sur son expérience pour gagner les élections, qui ont été reportées à fin janvier. Mais Nawaz Sharif reste sous le coup d'une condamnation à sept ans de prison pour corruption datant de 2018, une peine qu'il n'a que partiellement purgée.

Un tribunal d'Islamabad lui a accordé jeudi la liberté sous caution par anticipation jusqu'au 24 octobre, écartant la menace d'une arrestation dès son retour.

M. Sharif avait été destitué pour corruption en 2017 par la Cour suprême, après des révélations sur de luxueux biens immobiliers détenus par sa famille via des holdings offshore.

Il avait été banni à vie de tout mandat politique par cette même juridiction en avril 2018. Niant toute malversation, il avait dénoncé un complot de l'armée visant à favoriser la victoire électorale d'Imran Khan, qui était devenu Premier ministre.

Après sa condamnation en décembre 2018, il avait été emprisonné pendant dix mois avant d'être libéré pour raison médicale et autorisé à aller se soigner quelques semaines à Londres.

«Le lion du Punjab»

Selon l'analyste Zahid Hussain, les obstacles juridiques empêchant M. Sharif d'accéder au pouvoir ont probablement été levés suite à un accord conclu en coulisses entre son parti et l'armée. «Il y a eu une sorte d'arrangement avec l'establishment militaire; sans cela, il n'aurait pas décidé de revenir», a-t-il dit à l'AFP.

Souvent drapé dans une écharpe Gucci rouge, Sharif a vu sa fortune politique croître et décroître en fonction de ses relations avec la puissante armée pakistanaise, véritable faiseuse de rois du pays.

Au Pakistan, les hommes politiques sont souvent empêtrés dans des procédures judiciaires qui, selon des observateurs des droits de l'homme, sont orchestrées par la puissante armée, qui a dirigé directement le pays pendant plus de la moitié de son histoire.

Les partisans de Sharif le surnomment «le lion du Punjab», la province la plus peuplée où son soutien est le plus fort. L'ancien dirigeant est également connu pour faire défiler des félins lors d'événements politiques extravagants afin d'obtenir des soutiens.

Il a cependant la lourde tâche de conquérir un électorat lassé par les politiques dynastiques et une population jeune séduite par le parti de Khan, très à l'aise avec les médias sociaux.

«Le principal défi de M. Sharif est d'abord de s'imposer, lui et son parti, comme des options viables pour remplacer Imran Khan, qui est déjà populaire, et ensuite de redresser l'économie», a relevé l'analyste politique Ayesha Siddiqa.

Le Pakistan est actuellement dirigé par un gouvernement intérimaire à l'approche des élections.