L'invasion du Congrès des Etats-Unis par des manifestants pro-Trump porte un coup très rude à l'image internationale des Etats-Unis. Ce pays, qui se pose volontiers en phare de la démocratie, suscite consternation chez ses alliés et railleries chez ses adversaires.
A la vue du spectacle d'un groupe de partisans du pouvoir en place prenant d'assaut un parlement pour demander l'annulation d'une élection, les diplomates américains se précipitent généralement sur les ordinateurs pour rédiger des communiqués de condamnation.
Mais après le chaos observé au Capitole, les rôles se sont inversés. Et ce sont les capitales étrangères qui ont lancé des appels au calme, voire mis en garde leurs ressortissants. L'Australie s'est ainsi inquiétée d'un «potentiel de violence» aux Etats-Unis.
Un comble pour un pays qui depuis plus d'un siècle ne cesse à chaque épreuve de vanter les vertus de sa démocratie. L'ancien président américain Ronald Reagan la célébrait comme une «ville qui brille sur la colline».
Cette image ne fait plus l'unanimité depuis longtemps. Mais après quatre années de présidence Trump, il a fallu quelques heures pour que les Etats-Unis tombent complètement de leur piédestal. Au point que l'ex-président américain George W. Bush lui-même s'est ému d'un spectacle digne d'une «république bananière».
A l'étranger, certains ont invoqué des événements historiques pour tenter de prendre la mesure de l'invasion sans précédent aux Etats-Unis du symbole de la démocratie américaine.
Sombres comparaisons
Le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas l'a comparée à l'incendie du Reichstag pendant la période nazie. Le journal italien La Repubblica a lui fait un parallèle avec la «Marche sur Rome» de Benito Mussolini.
Au-delà du choc, beaucoup s'inquiètent de l'impact durable de cet événement sur l'image de la première puissance mondiale. «Les Americains ne doivent pas se faire d'illusion», avertit à l'AFP Ben Rhodes, ancien conseiller diplomatique de Barack Obama.
«Les images d'aujourd'hui, comme la présidence Trump, altéreront de façon permanente la façon dont les Etats-Unis sont perçus dans le monde.» «Ce qui est tragique, c'est que cette atteinte à la démocratie se produit au moment où le populisme progresse sur tous les continents.»
L'empathie était tout sauf unanime après le chaos au Capitole. Il a pour certains pays été l'occasion de prendre une revanche sur les Etats-Unis, avec un ton parfois condescendant, ou parfois franchement narquois.
Singeant les communiqués qui émanent bien souvent de Washington, le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Jorge Arreaza a fait part de sa «préoccupation» après ces violences, en appelant les Etats-Unis à prendre le chemin de «la stabilité et la justice sociale».
De son côté, le président iranien Hassan Rohani y a vu la preuve que la démocratie occidentale est «fragile et vulnérable».
Et au lendemain d'un vaste coup de filet dans les milieux pro-démocratie hongkongais qui a été condamné par Washington, le quotidien nationaliste chinois Global Times a fanfaronné en affirmant que les «bulles de 'démocratie et liberté' éclataient».
Démocratie malmenée
Mike Gallagher, élu républicain du Wisconsin, ne pouvait que se lamenter: «Si nous croyons que les autres pays ne nous regardent pas en ce moment, si nous croyons que le Parti communiste chinois n'est pas en train de rigoler, alors nous nous mentons à nous-mêmes.»
Certains alliés des Etats-Unis comme le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney ont bien cherché à atténuer la portée de l'événement en soulignant que le problème venait de Donald Trump et ne reflétait pas ce qu'est la démocratie américaine.
«Il faut appeler cela par son nom: une attaque délibérée de la démocratie par un président en exercice et par ses partisans», a-t-il dit.
Mais même ceux qui pensent que les Etats-Unis peuvent se relever rapidement des années Trump s'inquiètent du fait que la capacité du pays à porter dans le monde les valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit soit irrémédiablement entamée.
«Ce n'est pas seulement qu'il va falloir du temps avant que nous soyons à nouveau crédibles dans la défense de l'Etat de droit», avertit l'ancien diplomate américain Richard Haass. «C'est aussi qu'il faudra du temps pour persuader nos alliés qu'ils peuvent compter sur nous, ou pour pouvoir faire la leçon aux autres sur le fait qu'ils ne seraient pas suffisamment stables pour avoir l'arme nucléaire.»