"Bâillonnés"Enquête de l'OMS: les familles des victimes sous pression
hl
27.1.2021 - 11:32
Pots-de-vin ou intimidation: les autorités chinoises mettent sous pression des familles de victimes du Covid. Le but: les dissuader d'entrer en contact avec les enquêteurs de l'OMS à Wuhan, affirment des proches de défunts.
Plus d'un an après l'apparition du nouveau coronavirus dans la métropole du centre de la Chine, une équipe de l'Organisation mondiale de la santé est arrivée le 14 janvier à Wuhan pour enquêter sur l'origine de la pandémie. L'équipe a effectué deux semaines de quarantaine.
La dizaine d'experts s'apprête à entamer jeudi son enquête sur le terrain. Pékin s'efforce de convaincre que l'épidémie n'est pas apparue sur son sol et aurait pu être importée.
Dans ce contexte, des proches de victimes accusent le régime communiste de tenter de les dissuader d'approcher les experts internationaux. Ces familles se sont rassemblées l'an dernier pour réclamer des sanctions pour les responsables locaux qui ont minimisé l'épidémie il y a un an.
Arrivée de l'OMS
Les autorités étaient allés jusqu'à réprimander les tout premiers lanceurs d'alerte. Plusieurs familles ont tenté de saisir la justice mais affirment que leurs plaintes ont été d'emblée jugées irrecevables. Depuis l'arrivée des experts de l'OMS, la pression des autorités s'est accrue, affirment-elles.
Alors que près d'une centaine de parents de victimes échangeaient sur la messagerie WeChat, très populaire en Chine, leur groupe de discussion a été brutalement bloqué il y a une dizaine de jours, rapporte à l'AFP Zhang Hai, l'un des animateurs du mouvement.
«Cela montre que (les autorités) sont très nerveuses. Elles redoutent que ces familles entrent en contact avec les experts de l'OMS», déclare à l'AFP cet homme de 51 ans, dont le père est mort au début de l'épidémie, sans que le décès soit officiellement lié au Covid, faute de tests à l'époque.
«Quand l'OMS est arrivée à Wuhan, (le groupe) a été démantelé de force. Résultat, nous avons perdu le contact avec de nombreux membres», déplore-t-il. Comme d'autres réseaux sociaux en Chine, WeChat, géré par le géant de l'internet Tencent, bloque régulièrement les contenus jugés sensibles par le pouvoir.
«La même chanson»
L'épidémie a officiellement tué 3900 personnes à Wuhan, soit la grande majorité des morts enregistrés en Chine (4636 décès). Le pays est parvenu à enrayer largement la pandémie dès le printemps, même si des cas limités ont éclaté ces dernières semaines dans certaines régions.
Avec moins de 90'000 malades selon les chiffres officiels, la Chine reste très loin des bilans enregistrés dans le reste du monde, avec désormais plus de 100 millions de personnes contaminées. Beaucoup de proches de victimes disent douter de ces chiffres. Ils affirment que nombre d'entre elles ont succombé avant de pouvoir être formellement identifiées comme malades du coronavirus.
Une retraitée, qui pense que sa fille a été tuée par le virus en janvier 2020, a raconté à l'AFP avoir été convoquée la semaine dernière par les autorités. Elles lui ont intimé l'ordre de ne «pas parler aux médias ni de se laisser manipuler».
«Après ça, elles sont venus chez moi hier, m'ont chanté la même chanson et donné 5000 yuans (640 euros) au titre de condoléances», a-t-elle témoigné. Interrogée par l'AFP, la mairie de Wuhan n'a pas répondu aux questions portant sur les demandes des familles.
Quant à Zhang Hai, il appelle les experts de l'OMS à avoir «le courage» de rencontrer les familles, disant redouter que ces derniers se laissent embobiner par les autorités ou soient bloqués dans leur enquête. Selon lui, le témoignage des familles pourrait utilement éclairer les enquêteurs internationaux, au moment où Pékin cherche à évacuer toute responsabilité.