«Résolution historique»L'ONU vote une Commission d'enquête et inflige une défaite à Moscou
sn, ats
4.3.2022 - 11:44
La communauté internationale a infligé vendredi à Genève une lourde défaite à Moscou face à l'offensive russe en Ukraine. Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a lancé pour un an une Commission d'enquête internationale indépendante.
Keystone-SDA, sn, ats
04.03.2022, 11:44
04.03.2022, 15:25
ATS
Le projet de résolution proposé par l'Ukraine a été approuvé par 32 pays contre 2 oppositions et 13 abstentions. Comme lundi au moment du vote pour un débat urgent au Conseil, la Russie n'aura pas réussi à éviter ce mécanisme international dont elle ne voulait pas. Elle doit faire face pour la première fois à une résolution qui la vise directement devant l'instance onusienne.
«C'est une résolution historique», a affirmé à la presse au terme du vote l'ambassadrice ukrainienne à l'ONU à Genève Yevgenyia Filipenko, entourée d'une vingtaine d'ambassadeurs occidentaux. «Les pays dans le monde entier sont unis» contre la Russie, a-t-elle ajouté.
Et d'y voir un message «clair pour le président russe Vladimir Poutine. «Vous êtes isolé et le monde est contre vous», a-t-elle lancé. Plus largement, les responsables doivent redouter la commission qui complètera l'investigation de la Cour pénale internationale (CPI), selon elle. «Les preuves seront collectées, vous serez identifiés et vous devrez rendre compte».
Auparavant, devant les Etats membres, l'ambassadrice avait appelé les diplomates russes et bélarusses à faire le choix de l'"humanité» et de se détourner de leur gouvernement. Elle avait demandé un moment de silence qui a été observé également par le représentant russe.
Suspension pas impossible
La Russie aura été même lâchée par certains de ses soutiens, dont la Chine, qui se sont abstenus contrairement au vote de lundi. Outre Moscou, seule l'Erythrée a rejeté la création d'une commission. Selon la Russie, cette résolution cherche «à détourner l'attention» des crimes du gouvernement ukrainien.
Les trois membres de la commission d'enquête seront nommés par le président du Conseil des droits de l'homme. Ils devront établir les faits et préserver des preuves qui pourraient être utilisées par des tribunaux. Ils rendront une évaluation dans six mois, avant un rapport dans un an.
En revanche, la résolution ne prévoit pas de rapporteur spécial sur les droits humains en Russie, mais l'ambassadrice ukrainienne estime que la commission d'enquête pourra se pencher sur cette situation. Des Etats et plusieurs ONG le souhaitaient, notamment après la répression des opposants ces dernières années.
Aucun appel à l'Assemblée générale de l'ONU à suspendre Moscou du Conseil des droits de l'homme n'a été lancé, contrairement là encore à la volonté de certains. L'Ukraine pourrait revenir à la fin de la session avec un nouveau projet de résolution. «Rien n'est exclu», a-t-elle dit, ajoutant que les discussions allaient se poursuivre dans les prochaines semaines à Genève et à New York.
Le texte «condamne le plus fermement possible» les violations des droits humains et les abus perpétrés par la Russie en Ukraine et appelle à un retrait de ses troupes. Il réaffirme l'attachement à un Etat ukrainien et à l'intégrité territoriale de ce pays.
«Criminel de guerre»
Il demande à la Russie de mettre immédiatement un terme à ses violations des droits humains et du droit international humanitaire (DIH). Et il appelle à un accès humanitaire «immédiat», «sûr» et «sans restriction», une question qui a été discutée jeudi entre Kiev et Moscou.
Les débats ces derniers jours ont donné lieu à d'importants affrontements en salle ou par vidéo entre les principaux acteurs de la crise ukrainienne. Aux boycotts du discours du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov mardi auront succédé des ovations debout et de longs applaudissements pour une vice-ministre ukrainienne des Affaires étrangères.
Moscou a régulièrement répété ses accusations de «néo-nazisme» à l'égard des autorités ukrainiennes, qui ont en retour parlé du président russe Vladimir Poutine comme d'un «criminel de guerre», responsable également de «crimes contre l'humanité».
Dans ses déclarations, l'ambassadeur russe Guennadi Gatilov avait affirmé que le Conseil des droits de l'homme aurait pu éviter le conflit actuel. L'instance onusienne a refusé, selon lui, de considérer les violations que Moscou attribue à Kiev contre les russophones de l'Est du pays. Et d'accuser les Etats-Unis et l'UE d'utiliser le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour faire pression sur la Russie.
Alors que Vladimir Poutine a ordonné la mise en alerte des forces nucléaires russe, la Suisse avait elle appelé Moscou jeudi devant la Conférence du désarmement (CD) à s'abstenir de toute menace nucléaire et le Bélarus à ne pas accueillir des armes nucléaires russes. Comme elle n'est actuellement pas membre du Conseil, elle n'a pu voter vendredi, mais elle s'était exprimée en faveur du mécanisme qui a été approuvé.