Turquie L'opposition turque affûte ses armes

ATS

7.5.2019 - 20:12

Le candidat de l'opposition pour la mairie d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, a appelé ses partisans à «ne pas désespérer».
Le candidat de l'opposition pour la mairie d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, a appelé ses partisans à «ne pas désespérer».
Source: KEYSTONE/EPA/ERDEM SAHIN

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affiché mardi sa satisfaction d'avoir obtenu l'annulation de l'élection municipale à Istanbul perdue par son parti. Au même moment, l'opposition se réunissait pour établir un plan de bataille.

Après un déluge de recours du parti islamo-conservateur AKP de M. Erdogan dénonçant des «irrégularités massives», le Haut-comité électoral (YSK) a annoncé lundi l'annulation des résultats du scrutin municipal du 31 mars à Istanbul.

«Cette décision était la meilleure pour renforcer notre détermination à résoudre nos problèmes dans le cadre de la démocratie et du droit et laisser la volonté populaire arbitrer», s'est félicité M. Erdogan lors d'un discours devant ses députés à Ankara. «Nous croyons sincèrement que les élections ont été marquées par des abus commis de manière organisée», a-t-il ajouté, évoquant «une usurpation de la volonté populaire».

«Putsch contre les urnes»

Mais le principal parti d'opposition CHP (social-démocrate) a vivement condamné cette décision qui invalide le mandat de son candidat élu, Ekrem Imamoglu. Il a dénoncé un «putsch contre les urnes» et une mesure qui enfonce la Turquie dans «la dictature».

M. Imamoglu, 48 ans, devait rencontrer mardi le chef du CHP Kemal Kiliçdaroglu et la dirigeante du parti Iyi (droite), Meral Aksener, qui a soutenu sa candidature, pour discuter de leur stratégie.

La défaite en mars de l'AKP dans cette mégalopole qu'elle contrôlait depuis 25 ans a infligé un camouflet sans précédent à M. Erdogan, qui a plusieurs fois déclaré dans le passé que «celui qui remporte Istanbul, remporte la Turquie».

Manifestations

L'AKP a également perdu la capitale Ankara, un revers qui s'explique notamment par la tempête économique qui secoue le pays, avec la première récession en 10 ans, une inflation à 20% et une monnaie qui s'érode.

L'YSK a annoncé lundi que le nouveau scrutin pour Istanbul se tiendrait le 23 juin. Il opposera à nouveau M. Imamoglu à l'ex-Premier ministre Binali Yildirim, le candidat de l'AKP qu'il avait battu le 31 mars avec moins de 13'000 voix.

Pour M. Imamoglu, l'annulation du scrutin sonne comme un coup de massue. Malgré tout, il s'est voulu rassurant et combatif lundi soir, appelant ses partisans rassemblés à Istanbul à «ne pas désespérer». «Nous n'abandonnerons jamais», a-t-il affirmé.

Plusieurs milliers de ses partisans ont manifesté dans la nuit de lundi à mardi à Kadiköy, un district de la rive asiatique d'Istanbul, contre la décision de l'YSK.

Dérive autoritaire

Cette mesure risque de renforcer les accusations de dérive autoritaire contre le président turc. Pour le cabinet d'analyse Soufan Center, «la récente ingérence dans les élections est un signal clair (...) qu'Erdogan est déterminé à atteindre un pouvoir absolu quel que soit le prix».

Après la décision de l'YSK, l'Union européenne a exhorté lundi les autorités turques à permettre à des observateurs internationaux de surveiller le nouveau scrutin en juin. L'Allemagne, par la voix de son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas, a jugé «incompréhensible» mardi la décision d'annuler le scrutin.

Les Etats-Unis ont pour leur part appelé de leurs voeux un «processus électoral libre, juste et transparent» en Turquie. «Nous prenons acte de la décision du Haut Comité électoral de Turquie (YSK) et nous suivons la situation de près», a déclaré à l'AFP un porte-parole du département d'Etat américain, sans se prononcer clairement sur ce coup de théâtre. «Une démocratie turque en bonne santé est dans l'intérêt de la Turquie et de ses partenaires, y compris les Etats-Unis, et aide à en faire un allié stable, prospère et fiable», a-t-il conclu.

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