Législatives La France entre extrême droite et coalition introuvable

ATS

3.7.2024 - 19:08

La France a abordé mercredi la dernière ligne droite des élections législatives. Celle-ci pourrait se solder par l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite ou par une coalition entre gauche, centre et centre-droit, sans précédent dans la culture politique du pays.

Keystone-SDA

A quatre jours du second tour, le paysage politique est plus imprévisible que jamais, avec une forte dynamique en faveur du Rassemblement national (RN, extrême droite) de Jordan Bardella, qui rêve de composer le premier gouvernement d'extrême droite en France depuis la Deuxième Guerre mondiale.

«Aujourd'hui, il y a un bloc en situation d'avoir une majorité absolue à l'Assemblée nationale, c'est l'extrême droite», a prévenu le Premier ministre d'Emmanuel Macron, Gabriel Attal. Dimanche, «soit le pouvoir sera entre les mains d'un gouvernement d'extrême droite, soit le pouvoir sera au Parlement. Moi, je me bats pour ce deuxième scénario».

Sur les 311 triangulaires – trois candidats qualifiés au second tour – issues du premier tour remporté par l'extrême droite, les deux-tiers ont fait l'objet de désistements des partis de gauche, de la droite républicaine et du centre-droit, dans le but de compliquer l'élection de candidats RN.

Hypothèse d'un scénario à trois blocs

Les appareils tentent ainsi de passer outre leurs réticences et contradictions pour battre l'extrême droite. Mais ils doivent aussi convaincre les électeurs et s'y emploieront lors d'une première «émission spéciale» mercredi soir sur la chaîne BFMTV et jeudi soir sur France 2.

L'échiquier politique français a implosé avec la dissolution de l'Assemblée nationale par le président français Emmanuel Macron, et le premier tour, le 30 juin, qui a placé le RN devant l'alliance des gauches du Nouveau front populaire (NFP).

La plupart des projections en sièges prévoient que le RN et ses alliés peineront à atteindre la majorité absolue (289 députés), renforçant l'hypothèse d'un scénario à trois blocs (extrême droite, gauche, macronistes), qui pourrait rendre le pays ingouvernable alors qu'il s'apprête à accueillir les Jeux olympiques.

«Paralyser le pays»

«La classe politique donne d'elle-même une image de plus en plus grotesque», a raillé Marine Le Pen, figure de proue de l'extrême droite, qui envisage un gouvernement avec une majorité relative, complétée par divers soutiens. Dans un entretien au quotidien Le Figaro, Jordan Bardella a dénoncé de son côté des alliances anti-RN destinées à «paralyser le pays», se disant «prêt à la main tendue» pour «élargir (s)a majorité».

Il s'est efforcé de minimiser l'impact de révélations éclaboussant des figures sulfureuses de son parti, entre candidate arborant une casquette avec une croix gammée et septuagénaire condamnée en 1995 pour une prise d'otage à main armée. «Lorsqu'il y a des brebis galeuses – il peut arriver qu'il y en ait d'ailleurs – je n'ai pas la main qui tremble. Effectivement, j'ai souhaité retirer l'investiture», a-t-il dit.

En face, la concorde n'est guère de mise entre des forces disparates, encore farouchement adversaires le mois dernier.

«Grande coalition»

S'ils parviennent à empêcher le RN de l'emporter, les macronistes, une partie de la gauche et certains élus Les Républicains (LR, droite) auront la lourde tâche de bâtir un «gouvernement technique» appuyé sur une «grande coalition», courante dans bien des pays mais étrangère aux traditions françaises.

La patronne des Ecologistes et figure montante de la gauche Marine Tondelier a résumé le défi d'une formule: «faire des choses que personne n'a jamais faites auparavant». L'ex-Premier ministre Edouard Philippe (centre-droit) a indiqué pour sa part qu'il voterait pour un communiste, dont il a salué «l'exigence démocratique».

Profondes défiances mutuelles

Mais le vernis ne semble pas épais derrière de profondes défiances mutuelles. Il n'y aura jamais de gouvernement d'union nationale, c'est exclu au regard du fossé entre droite et gauche», a asséné un élu du Parti socialiste.

La gauche radicale de La France insoumise (LFI), le plus puissant parti du NFP mais aussi le plus clivant, a elle explicitement exclu de participer à une coalition.

Macron affaibli

Mercredi, Emmanuel Macron a martelé en Conseil des ministres qu'il n'était «pas question» de «gouverner» avec LFI. «Se désister aujourd'hui pour des élus de gauche face au Rassemblement national ne signifie pas gouverner demain avec LFI», a-t-il déclaré, selon plusieurs participants.

Mais sa parole ne porte plus depuis qu'il a pris, seul ou presque, la décision de convoquer des élections qui tournent à la déroute pour son camp.

Attendu pour le sommet de l'Otan à Washington la semaine prochaine, le chef de l'Etat semble aussi affaibli sur la scène internationale qui scrute ces élections dans l'un des piliers de l'Union européenne.