Sahel La France et ses partenaires se retirent militairement du Mali

ATS

17.2.2022 - 12:20

Poussés dehors par les «obstructions» de la junte au pouvoir à Bamako, la France et ses partenaires européens ont officialisé jeudi leur retrait militaire du Mali au terme de neuf ans de lutte antidjihadiste menée par Paris, tout en affirmant vouloir rester engagés auprès des pays sahéliens et du golfe de Guinée.

Le président français Emmanuel Macron prononce son discours lors d'une conférence de presse conjointe sur l'engagement de la France dans la région du Sahel, avec le président ghanéen Nana Afuko Addo, le président sénégalais Macky Sall et le président du Conseil européen Charles Michel, à l'Elysée à Paris, le 17 février 2022.
Le président français Emmanuel Macron prononce son discours lors d'une conférence de presse conjointe sur l'engagement de la France dans la région du Sahel, avec le président ghanéen Nana Afuko Addo, le président sénégalais Macky Sall et le président du Conseil européen Charles Michel, à l'Elysée à Paris, le 17 février 2022.
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«En raison des multiples obstructions des autorités de transition maliennes, le Canada et les Etats européens opérant aux côtés de l'opération (française) Barkhane et au sein de la Task Force Takuba estiment que les conditions ne sont plus réunies pour poursuivre efficacement leur engagement militaire actuel (...) au Mali et ont donc décidé d'entamer le retrait coordonné du territoire malien de leurs moyens militaires respectifs dédiés à ces opérations», soulignent-ils dans une déclaration conjointe.

«Nous ne pouvons pas rester engagés militairement aux côtés d'autorités de fait dont nous ne partageons ni la stratégie ni les objectifs cachés», et qui ont recours à «des mercenaires de la société (russe) Wagner» aux «ambitions prédatrices», a fait valoir le président français Emmanuel Macron lors d'une conférence de presse aux côtés des présidents sénégélais, ghanéen et du Conseil européen. Les autorités maliennes continuent de nier la présence de ces mercenaires sur leur territoire.

Priorité au Sahel et au Golfe de Guinée

Paris et ses partenaires souhaitent toutefois «rester engagés dans la région» sahélienne et «étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d'Afrique de l'Ouest» pour contenir la menace djihadiste. Les «paramètres» de cette réorganisation seront arrêtés «d'ici juin 2022», selon la déclaration conjointe.

«Nous comprenons cette décision», a déclaré Macky Sall dans une conférence de presse commune avec le président Emmanuel Macron. «La lutte contre le terrorisme au Sahel ne saurait être la seule affaire des pays africains (...). Nous sommes heureux que l'engagement ait été renouvelé de rester dans la région et de réarticuler le dispositif», a-t-il ajouté, alors que le départ français risque potentiellement d'ouvrir des perspectives aux djihadistes.

Le Sahel et le Golfe de Guinée sont des «priorités de la stratégie d'expansion» des organisations djihadistes Al-Qaïda et Etat islamique, a souligné Emmanuel Macron.

Coopérations régionales renforcées

La France est militairement présente depuis 2013 au Mali, proie des groupes djihadistes qui sévissent aussi dans d'autres Etats sahéliens. Paris est intervenu pour enrayer la progression des groupes islamistes radicaux menaçant Bamako et a ensuite mis sur pied une vaste opération régionale, Barkhane, déployant des milliers de soldats pour lutter contre les franchises locales d'Al-Qaïda et du groupe Etat islamique.

Mais malgré des victoires tactiques, le terrain n'a jamais été véritablement repris par l'Etat malien et ses forces armées.

Facteur aggravant, le gouvernement malien a été renversé lors d'un double coup d'Etat en 2020 et en 2021, aboutissant à l'arrivée au pouvoir d'une junte qui refuse d'organiser des élections avant plusieurs années et qui surfe sur un sentiment antifrançais croissant dans la région.

Le chef de l'Etat «récuse complètement» l'idée d'un échec français au Mali, a-t-il réagi jeudi.

«Que se serait-il passé en 2013 si la France n'avait pas fait le choix d'intervenir? Vous auriez à coup sûr un effondrement de l'Etat malien», a-t-il fait valoir, en ajoutant qu'"ensuite nos militaires ont obtenu de nombreux succès», dont l'élimination de l'émir d'Al Qaïda au Maghreb Islamique (Aqmi) en juin 2020.

Quelque 25'000 hommes sont actuellement déployés au Sahel, dont environ 4300 Français (2400 au Mali dans le cadre de Barkhane), selon l'Elysée. Le pays accueille aussi 15'000 soldats de l'ONU au sein de la Minusma.

Concrètement, la fermeture des dernières bases françaises au Mali (Gao, Ménaka et Gossi) prendra de «4 à 6 mois» a détaillé Emmanuel Macron.

«Pendant ce temps (...) nous allons continuer d'assurer les missions de sécurisation de la Minusma», qui continuera de bénéficier d'un soutien aérien et médical français sur place, avant le transfert ultérieur de ces moyens, a-t-il assuré.

Repositionnement au Niger

Des militaires européens participant au groupement de forces spéciales Takuba «seront repositionnés aux côtés des forces armées nigériennes dans la région frontalière du Mali», a-t-il précisé. Le Niger héberge déjà une base aérienne et 800 militaires français.

Le Mali était au coeur du dispositif antiterroriste français et européen au Sahel. Emmanuel Macron avait déjà décidé d'amorcer à l'été 2021 une réduction des effectifs français au profit d'un dispositif régional moins visible, mais ce départ contraint du pays force Paris à accélérer cette réorganisation dans d'autres pays de la région menacés par la contagion djihadiste. En s'efforçant de rendre la présence française moins visible.

«Il s'agit de nous recentrer sur les demandes de nos partenaires là où notre contribution est attendue, toujours en soutien et encore davantage intégrée (...) Nous définirons dans les semaines et mois qui viennent l'appui que nous apporterons à chacun des pays de la région sur la base des besoins qu'ils auront exprimés», et «cet appui pourra inclure de l'aide en matière de formation et d'entraînement, de la fourniture d'équipements, voire un appui à leurs opérations contre le terrorisme», a conclu M. Macron.