FranceLa France lutte contre la violence conjugale
ATS
3.9.2019 - 20:11
Plus de 100 mortes depuis le début de l'année: la France, un des pays européens les plus touchés par les «féminicides» (meurtres de femmes) liés à des violences conjugales, a annoncé mardi une série de mesures à l'ouverture d'une table ronde sur le sujet.
«L'Urgence», titrait le quotidien Libération, tandis que le décompte macabre continuait d'être égrené. Samedi, le cap des cent femmes tuées depuis le début de l'année sous les coups de leur compagnon était franchi. Et dimanche, une nonagénaire devenait la 101e victime. Son mari de 94 ans est soupçonné de l'avoir rouée de coups de canne.
Pour l'année 2018, les autorités avaient recensé 121 «féminicides» liés à des violences conjugales. En Europe, la France compte parmi les pays avec le plus fort taux de femmes tuées par leur compagnon, avec 0,18 victime pour 100'000 femmes, selon les derniers chiffres connus d'Eurostat, datant de 2017. C'est plus que la Suisse (0,13), l'Italie (0,11) et l'Espagne (0,12) mais moins que l'Allemagne (0,23).
«Aujourd'hui, dans notre pays, des femmes, nos concitoyennes, meurent étranglées, poignardées, brûlées vives, rouées de coups. Tous les deux ou trois jours», a déploré le Premier ministre Edouard Philippe.
«Depuis des siècles, ces femmes sont ensevelies sous notre indifférence, notre déni, notre incurie, notre machisme séculaire, notre incapacité à regarder cette horreur en face», a ajouté le chef du gouvernement en donnant le coup d'envoi des débats, entouré de plus d'une dizaine de ses ministres.
Responsables associatifs, acteurs de terrain, policiers, gendarmes, magistrats ou avocats: quelque 80 personnes ont été conviées à ce «Grenelle» sur les violences conjugales. Une référence à la rue de Grenelle, à Paris, où s'étaient déroulées de vastes négociations salariales lors du mouvement de mai 1968.
Places d'hébergement
Pour tenter d'enrayer un fléau qui a déjà fait plus de 100 morts depuis le début de l'année selon un collectif militant – contre 121 sur l'ensemble de 2018 d'après un décompte officiel -, le Premier ministre a annoncé la création à partir de début 2020 de 250 nouvelles places d'hébergement d'urgence pour les femmes ayant fui le domicile conjugal et de 750 autres destinées à un relogement temporaire – une mesure chiffrée à cinq millions d'euros.
Le gouvernement va en outre identifier, au sein des tribunaux, des «procureurs référents spécialisés» et expérimenter des chambres d'urgence «pour que les dossiers soient traités en 15 jours». Les victimes pourront également systématiquement porter plainte à l'hôpital.
Ces premières annonces ne constituent «pas un départ énorme, mais ça reste un départ avec quelques bonnes pistes et quelques déceptions», a commenté Anne-Cécile Mailfert, de la Fondation des femmes. Le Premier ministre «a évacué de manière un peu rapide la question des moyens», a-t-elle ironisé.
«Il n'y a pas de moyens annoncés, donc franchement les annonces elles sont décevantes», a renchéri Caroline De Haas, du collectif #NousToutes.
«Plan Marshall»
Les associations féministes réclament un «plan Marshall» passant par 2000 nouvelles places d'hébergement, et doté d'«au moins» 500 millions, voire un milliard d'euros – loin des 79 millions d'euros de crédits jusqu'alors alloués à cette lutte, selon une étude menée par cinq organisations.
Elles préconisent également de mieux former les policiers et gendarmes appelés à recueillir les plaintes des femmes victimes, afin d'éviter que celles-ci se voient éconduire ou répondre que porter plainte «ne sert à rien».
«Confiantes», les associations se veulent également «vigilantes», notamment face au risque que l'événement se résume à une «opération de communication de la part du gouvernement».
«Ma demande, c'est que tout ce qui va être décidé soit fait demain, car demain c'est une personne de plus qui risque de mourir», a dit au Premier ministre Lucien Douib, dont la fille Julie a été tuée début mars par son ex-conjoint.
Les conclusions de la concertation doivent être annoncées le 25 novembre, à l'occasion de la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
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