Conflit démocratique47 militants emprisonnés à Hong Kong
4.3.2021
Quarante-sept militants pour la démocratie se retrouvent en prison jeudi à Hong Kong au terme d'une audience-marathon de quatre jours. Celle-ci a relancé l'inquiétude à l'étranger sur la répression chinoise dans le territoire.
C'est le plus gros groupe de dissidents poursuivi à ce jour au nom de la loi draconienne sur la sécurité nationale imposée en juin 2020 par la Chine à cette ancienne colonie britannique pendant sa reprise en main après le long mouvement de contestation de 2019.
Les militants, dont plusieurs figures de proue de la contestation hongkongaise, avaient été inculpés dimanche de "subversion".
Les capitales occidentales avaient fermement condamné cette décision, à commencer par Washington et Londres qui reprochent à Pékin de renier sa promesse de préserver les libertés hongkongaises faite au moment de la rétrocession par la Grande-Bretagne en 1997.
D'autant que, a annoncé jeudi un média d'Etat, le parlement chinois va étudier un projet de réforme électorale à Hong Kong ouvrant la voie à une possible marginalisation des opposants dans ce territoire semi-autonome.
Large spectre d'opposition
Les 47 accusés représentent un spectre très large de l'opposition avec d'anciens députés, des universitaires, des avocats, des travailleurs sociaux et nombre de militants plus jeunes comme Joshua Wong, déjà détenu dans une autre affaire. L'audience, entamée lundi, visait à statuer sur leur placement en détention provisoire.
Jeudi soir, le juge Victor So a refusé de remettre en liberté sous caution 32 d'entre eux. "Le tribunal ne pense pas qu'il y ait de raisons suffisantes pour penser que vous n'allez pas continuer à commettre des actes qui mettent en danger la sécurité nationale", leur a-t-il dit.
Et s'il a accédé aux demandes de remise en liberté sous caution pour les 15 autres, le parquet a immédiatement fait appel. Ils restent donc également en détention mais peuvent saisir la Haute cour dans les 48 heures.
Des mois avant un procès
Tous devraient dorénavant rester des mois en prison en attendant leur procès. Selon Bing Ling, un professeur de droit chinois à l'Université de Sydney, il s'agit du "plus important groupe de poursuites pour subversion depuis 1989", après Tiananmen.
"Ils veulent faire taire les voix qu'ils n'aiment pas", a déclaré à l'extérieur du tribunal aux journalistes une femme s'identifiant par son prénom, Elsa, et se présentant comme la belle-mère d'un des accusés, Hendrick Lui.
"Ce sont les voix de la justice dont les gens de Hong Kong ont besoin. Mais ce régime criminel essaie de couvrir leurs bouches, de les réduire au silence et de les enfermer derrière des barreaux", a-t-elle ajouté.
En lien avec des primaires
Les 47 militants sont poursuivis en lien avec les primaires de l'opposition, auxquelles 600'000 personnes ont participé en juillet dans l'optique de capitaliser sur l'immense popularité de la mobilisation de 2019 aux législatives de septembre - finalement reportées d'un an au prétexte du coronavirus.
La Chine avait qualifié ces primaires de "grave provocation" et prévenu que la campagne pouvait relever de la "subversion". La plupart de ces candidats avaient ensuite été disqualifiés par les autorités.
La Chine réfute toute répression
La Chine a balayé les accusations de répression à Hong Kong, affirmant vouloir rétablir la stabilité dans cette région. "Il n'y a aucune raison d'inculper les accusés aussi tôt", a dit à l'AFP Johannes Chan, un professeur de droit à l'Université de Hong Kong. "La seule raison est de les mettre maintenant derrière des barreaux".
Pour Jerome Cohen, un expert en droit chinois à l'Université de New York, la manière dont l'audience a été menée risque d'entacher la réputation de la justice hongkongaise et de la faire ressembler à un "instrument de la police et de l'accusation".
En temps normal, les audiences visant à statuer sur le placement en détention provisoire des inculpés sont une affaire de quelques heures.
Le tribunal a dû faire face au grand nombre de prévenus, dont sept ont dû être hospitalisés pendant l'audience tandis que beaucoup se plaignaient du manque de nourriture, de sommeil, de vêtements propres et de douches. Il a également eu affaire aux approximations de la nouvelle loi, formulée de manière très vague.
Une des grandes nouveautés est que la mise en liberté sous caution n'est plus automatique dans le cadre de crimes non violents. A ce jour, tous ceux inculpés en vertu de ce texte ont été placés en détention provisoire.
Le juge So a rejeté une demande de lever les restrictions imposées aux médias, empêchant de rapporter en détail les débats pendant l'audience.