Selon les experts La mobilisation en Russie pourrait prolonger la guerre 

ATS

22.9.2022 - 08:34

La mobilisation annoncée mercredi par le président russe Vladimir Poutine risque de prolonger la guerre en Ukraine sans pour autant renverser la situation sur le terrain, selon des experts américains. Ils estiment que la menace nucléaire de Moscou est inquiétante mais probablement vaine.

Un garçon tient une banderole lors d'une manifestation contre la mobilisation annoncée par le président russe Vladimir Poutine à Belgrade, en Serbie, le mercredi 21 septembre 2022.
Un garçon tient une banderole lors d'une manifestation contre la mobilisation annoncée par le président russe Vladimir Poutine à Belgrade, en Serbie, le mercredi 21 septembre 2022.
KEYSTONE

Dans une adresse à la nation, le président russe a décrété une mobilisation «partielle» de 300'000 réservistes, soit beaucoup plus que les 190'000 soldats déployés pour l'invasion de l'Ukraine en février, après une série de revers militaires dans le Donbass et la région de Kharkiv, dans l'est du pays.

Pour les experts occidentaux, l'armée russe aura du mal à mobiliser autant de monde et les nouvelles recrues arriveront sous-entraînées et peu motivées sur le champ de bataille. «Ils ne pourront pas faire cela bien», a jugé Dara Massicot, une experte de la Russie au centre de recherche Rand Corporation.

Formation insuffisante

«Ils vont regrouper des gens et les envoyer au front avec une formation dépassée, un encadrement incompétent et des équipements en pire état encore que ceux des forces en service actif», a-t-elle ajouté sur Twitter. «Ils vont les envoyer petit à petit, parce qu'ils ne peuvent pas prendre leur temps».

Mais pour Michael Kofman, du centre de réflexion Center for a New American Security, il ne faut pas sous-estimer le risque que l'arrivée de troupes russes fraîches sur la ligne de front prolonge un conflit déjà très meurtrier. «Cela pourrait prolonger la capacité de la Russie à poursuivre cette guerre, sans toutefois en changer la trajectoire ni l'issue», a-t-il déclaré mercredi, estimant que l'Ukraine garde son avantage sur le terrain.

Un avis partagé par Rob Lee, du Foreign Policy Research Institute, pour qui «il y a encore toutes les raisons d'être optimiste pour l'Ukraine». Son armée a fait preuve de discipline et de bravoure depuis le début de la guerre, contrairement aux forces russes, démoralisées et indisciplinées, a-t-il ajouté.

Tous les spécialistes s'accordent sur la mauvaise qualité de la formation militaire russe, qui est souvent limitée à quelques semaines, avec peu d'équipement.

«Un nouveau désastre»

«Le problème, c'est que l'armée russe est mal dirigée et mal entraînée», a jugé l'ex-général Mark Hertling, ancien commandant des forces terrestres des Etats-Unis en Europe. «Mobiliser 300'000 réservistes après avoir échoué avec des forces conventionnelles épuisées et des milices hétéroclites, après avoir recruté des prisonniers et utilisé des paramilitaires comme le groupe Wagner, ce sera très difficile.»

«Et déployer des 'petits nouveaux' sur une ligne de front qui a été mise en pièces, où le moral est au plus bas et dont les soldats ne veulent pas être là, laisse présager un nouveau désastre», a-t-il tweeté. Il s'agit d'un «nouveau signe de faiblesse de la Russie».

Plus inquiétant pour les Occidentaux, Vladimir Poutine s'est dit prêt à utiliser «tous les moyens» dans son arsenal face à l'Occident, qu'il a accusé de vouloir «détruire» la Russie.

Des propos que John Spencer, du Madison Policy Forum, a qualifiés de «bluff». «L'usage d'armes nucléaires, biologiques ou chimiques signifierait la fin du régime de Poutine et de la Fédération de Russie sous sa forme actuelle», a-t-il noté.

Menace nucléaire la plus explicite

D'autres analystes ont souligné que la doctrine nucléaire russe paraissait avoir changé, se demandant si elle s'appliquait désormais aux territoires ukrainiens que Moscou veut annexer.

Selon Andrey Baklitskiy, de l'institut des nations unies pour la recherche sur le désarmement, les déclarations du président russe «vont au-delà de la doctrine nucléaire russe, qui suggère simplement que la Russie en fasse usage la première dans une guerre conventionnelle si l'existence même de l'Etat est menacée».

«Venant de celui qui est le seul à décider de l'usage des armes nucléaires en Russie, il faut prendre cela au sérieux», a-t-il tweeté.

L'expert en armement nucléaire Hans Kristensen, de la Federation of American Scientists, a jugé qu'en menaçant d'user de l'arme nucléaire au-delà de la politique officielle russe, «Poutine montr[ait] son désarroi». «Mais c'est clairement la menace nucléaire la plus explicite que Poutine ait jamais proférée», a-t-il ajouté. «Il est essentiel que l'OTAN ne morde pas à l'hameçon et n'attise pas ses accusations mensongères par des menaces explicites de représailles nucléaires.»

De fait, les Etats-Unis ont dit prendre les menaces de Vladimir Poutine «au sérieux», mais se sont bien gardés d'exacerber les tensions. «Il est impossible de gagner une guerre nucléaire et il ne faut pas la mener», a déclaré le président Joe Biden à la tribune de l'ONU.