Le point La pression russe s'accroît sur l'est au début du 4ème mois de guerre

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25.5.2022 - 08:00

La Russie s'est dite mardi bien déterminée à atteindre «tous ses objectifs» en Ukraine. Moscou a intensifié son offensive contre la dernière poche de résistance de la région de Lougansk, dans l'Est.

25.5.2022 - 08:00

Après avoir éloigné les forces russes des deux plus grandes villes du pays, Kiev et Kharkiv (nord-est), les Ukrainiens reconnaissent des «difficultés» dans le Donbass (est), formé par les provinces de Lougansk et de Donetsk, où la Russie a recentré son offensive.

«Nous continuons l'opération militaire spéciale jusqu'à la réalisation de tous les objectifs», a souligné le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou.

«Les objectifs fixés par le président (russe Vladimir Poutine) seront remplis», a lui aussi assuré le secrétaire du Conseil de sécurité de Russie, Nikolaï Patrouchev, un proche de M. Poutine.

«La situation dans le Donbass est extrêmement difficile», a ensuite reconnu mardi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky. «En fait, toutes les forces que l'armée russe a encore ont été jetées là pour l'offensive».

Deux villes en ligne de mire

De fait, Moscou concentre sa puissance de feu sur le réduit ukrainien de la région de Lougansk, essayant de cerner les villes de Severodonetsk et de Lyssytchansk.

Des combats sont en cours pour le contrôle de la ville de Lyman, un important noeud ferroviaire dont la prise constituerait un progrès important dans ces tentatives d'encerclement, a affirmé le chef des séparatistes prorusses de Donetsk, Denis Pouchiline.

«Des unités russes et de la milice populaire (l'armée séparatiste prorusse) sont entrées dans la ville», a-t-il affirmé lors d'une émission pro-Kremlin diffusée sur Youtube, ces informations étant impossibles à vérifier dans l'immédiat.

Le ministère ukrainien de la Défense a aussi évoqué d'intenses combats dans les environs des localités de Popasna et de Bakhmout, dont la chute donnerait aux Russes le contrôle d'un carrefour important pour l'effort de guerre ukrainien.

Les habitants rechignent à fuir malgré les risques: «Les gens ne veulent pas partir», se désole le maire-adjoint de Bakhmout, Maxim Soutkovyï, devant un car d'évacuation à moitié vide.

Dans ce secteur, «l'ennemi a amélioré sa position tactique», a admis mardi matin l'état-major de l'armée ukrainienne, qui assure que «la plus grande activité hostile» est observée «près de Lyssytchansk et de Severodonetsk».

«Très violents combats»

«La situation est très difficile et malheureusement, elle ne fait que s'aggraver. Elle empire de jour en jour, d'heure en heure», a ensuite déclaré dans la soirée le gouverneur de la région de Lougansk, Serguiï Gaïdaï.

«Les bombardements sont de plus en plus intenses» et «l'armée russe a décidé de détruire complètement Severodonetsk», ville stratégique qui «est en train d'être éliminée de la surface de la Terre», a-t-il ajouté.

Le gouverneur a comparé Severodonetsk à Marioupol, grande cité portuaire du Sud-Est pratiquement rasée après plusieurs semaines de siège et de bombardements. «A partir d'aujourd'hui, nous pouvons dire que (les Russes) essaient de réaliser une attaque à grande échelle», a-t-il conclu.

Deux républiques séparatistes prorusses ont été proclamées en 2014 dans le Donbass. C'est notamment pour les défendre d'un prétendu «génocide» que le président russe Vladimir Poutine avait déclenché le 24 février l'invasion de l'Ukraine.

Retour progressif à la normale en revanche à Kharkiv (nord-est), où le métro, qui a des mois durant servi d'abri contre les bombes, a été remis en service mardi.

«Etat terroriste»

Le front méridional semble quant à lui stable, bien que les Ukrainiens y revendiquent des gains territoriaux.

Le commandement sud de l'armée ukrainienne a fait état, dans la nuit de lundi à mardi, d'une «avancée» de ses divisions «à travers la région de Mykolaïv en direction de la région de Kherson», contrôlée par les Russes. Il a accusé les «occupants» d'avoir tué des civils cherchant à fuir en voiture.

Les forces ukrainiennes pilonnent dorénavant les positions russes avec des systèmes d'artillerie occidentaux tout nouvellement acheminés, en particulier des obusiers américains, a expliqué à l'AFP un porte-parole de l'armée ukrainienne.

De son côté, le maire de Marioupol, Vadim Boïtchenko, a accusé, dans une communication vidéo avec la conférence économique de Davos, «les forces d'occupation russes» de se comporter en «Etat terroriste».

À l'inverse, le ministère russe de la Défense a affirmé dans son briefing quotidien que l'aire marine du port de Marioupol a été déminée et que des opérations sont en cours pour «rétablir les infrastructures portuaires». Il a ajouté qu'un «couloir humanitaire» sera ouvert mercredi matin vers la mer Noire pour permettre «la sortie sécurisée des navires étrangers» toujours présents dans le port.

Impatience sur les armes

Dans ce contexte, Kiev appelle instamment les Occidentaux à lui livrer davantage d'armements.

«L'offensive russe dans le Donbass est une bataille impitoyable, la plus vaste sur le sol européen depuis la Deuxième Guerre mondiale. J'exhorte nos partenaires à accélérer les livraisons d'armes et de munitions», a ainsi lancé mardi le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kouleba.

Le président Zelensky lui-même a réclamé des «armes lourdes: grenades propulsées par des fusées, chars, armes antinavires et autres armes».

Le président polonais Andrzej Duda, dont le pays a fourni à l'Ukraine ses chars soviétiques T-72, a reproché mardi à Berlin de tergiverser sur la livraison de blindés allemands Leopard, promis à la Pologne en contrepartie. La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a reconnu qu'il y avait discussion, l'hebdomadaire Der Spiegel affirmant que celles-ci étaient dues à la demande de Varsovie de recevoir des chars de dernière génération.

De son côté, l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder, très critiqué dans son pays, a annoncé mardi qu'il ne rejoindrait pas le conseil de surveillance du géant gazier russe Gazprom.

Etat d'urgence en Hongrie

Accentuant sa pression sur la Russie, les États-Unis ont eux décidé de mettre fin, à partir de mercredi 04h01 GMT (06h01 en Suisse), à une exemption permettant à Moscou de payer ses dettes en dollars, a annoncé mardi le Trésor américain. Cette décision pourrait précipiter la Russie, qui a une douzaine de paiements à honorer d'ici la fin de l'année, dans le défaut de paiement.

Au Forum de Davos, le président de la Confédération Ignazio Cassis a annoncé que la Suisse organiserait, les 4 et 5 juillet à Lugano, une «conférence de reconstruction de l'Ukraine», qui devrait aborder notamment la question des contributions annoncées et à venir de la Banque mondiale, de l'OCDE et de l'Union européenne (UE).

L'UE discutait toujours mardi d'un embargo sur le pétrole russe, qui requiert l'unanimité des pays membres. L'Allemagne et la France ont jugé possible d'y parvenir dans les prochains jours, mais le Premier ministre hongrois Viktor Orban, dont le pays est très dépendant du pétrole russe, a jugé cette perspective «très improbable» dans l'immédiat.

Le dirigeant hongrois, arguant des répercussions de la guerre, a en outre décrété mardi l'état d'urgence à partir de minuit dans son pays, une décision dénoncée par l'ONG de défense des libertés civiles TASZ.

Centaines d'enfants tués ou blessés

En trois mois de conflit armé, 234 enfants ont été tués et 433 blessés, a dénoncé mardi le bureau de la procureure générale d'Ukraine Iryna Venediktova.

Au total, des milliers de civils et de militaires ont péri, sans qu'il existe un bilan chiffré. Pour la seule ville de Marioupol, les autorités ukrainiennes parlent de 20'000 morts.

Côté russe, des sources occidentales évaluent à 12'000 le nombre des soldats tués, le Kremlin n'ayant admis que des «pertes importantes».

L'Ukraine n'a pas fourni de bilan du nombre de ses militaires mis hors de combat.

Plus de huit millions d'Ukrainiens ont été déplacés à l'intérieur de leur pays, selon l'ONU. S'y ajoutent 6,5 millions qui ont fui à l'étranger, dont plus de la moitié – 3,4 millions – en Pologne.

Peine confirmée pour Navalny

La répression continue en Russie: un tribunal de Moscou a ordonné mardi l'arrestation de deux blogueurs accusés de discréditer l'action de l'armée en Ukraine.

Les députés russes ont adopté en première lecture une proposition de loi qui doit permettre de fermer, sur simple décision du parquet, les médias étrangers accusés de diffuser des informations mensongères sur la guerre en Ukraine.

L'opposant emprisonné Alexeï Navalny s'est servi d'un procès en appel, qui a sans surprise confirmé sa peine de 9 ans de camp, pour dénoncer à son tour une «guerre fondée sur un super mensonge».

Enfin, Moscou a annoncé mardi interdire le territoire russe à 154 membres de la Chambre des Lords, chambre haute du Parlement britannique, en représailles aux sanctions visant la quasi-totalité des élus du Conseil de la Fédération de Russie.

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