Menaces, espionnage...La Russie fait monter la tension en mer Baltique
Philipp Dahm
27.5.2024
Moscou passe à l'offensive en mer Baltique: la Russie met en garde le Danemark contre des restrictions dans le Skagerrak, veut déplacer les frontières maritimes et retire les bouées frontalières estoniennes. Pendant ce temps, la Suède craint pour le Gotland.
Philipp Dahm
27.05.2024, 07:32
27.05.2024, 08:01
Philipp Dahm
Avec l'adhésion de la Finlande et de la Suède, la mer Baltique est définitivement devenue une eau de l'OTAN. Pour Moscou, c'est un problème, car cette mer secondaire relie le deuxième plus grand port russe, Saint-Pétersbourg, à l'Atlantique. L'ancienne Léningrad fait partie, avec Kaliningrad, des rares ports du pays qui sont libres de glace toute l'année.
Les navires russes ne peuvent plus atteindre l'Atlantique que par un étroit corridor de la mer Baltique, par lequel passe la route maritime internationale. La navigation est limitée dans une zone de 12 miles nautiques autour des masses terrestres, ce qui correspond à 22 kilomètres: dans la mer territoriale, c'est la nation limitrophe qui a le droit de cité.
Vient ensuite la zone économique exclusive (ZEE), qui s'étend jusqu'à 370 kilomètres ou 200 miles nautiques dans la mer. Dans cette zone, les navires peuvent certes se déplacer librement, mais la pêche ou l'exploitation des ressources naturelles ne peuvent être pratiquées que par l'État auquel appartient la ZEE.
Le fait que Moscou ne se sente pas à l'aise avec cette situation s'est manifesté début mai: le Kremlin met alors en garde le Danemark, avec une fermeté inhabituelle, contre la restriction du trafic maritime russe dans le Skagerrak, qui relie la mer du Nord à la mer Baltique.
La Russie menace le Danemark de représailles
Selon les médias danois, le ministre russe des Affaires étrangères a fait savoir à Copenhague que de telles tentatives seraient considérées comme des actes hostiles - représailles comprises. La raison pour laquelle Moscou agit de manière aussi tranchante n'est toutefois pas très claire.
Dernièrement, il y aurait eu des problèmes avec des navires marchands russes qui n'auraient pas été assurés ou qui ne remplissaient pas les conditions environnementales. Rien qu'au mois de mars, 15 navires russes auraient en outre refusé des services de pilotage danois.
Ces navires appartiennent en grande partie à la flotte fantôme de la Russie, qui fait du commerce de pétrole en contournant les sanctions occidentales : Cette flotte fantôme en mer Baltique est responsable de l'essentiel de ces exportations, mais elle sert en même temps à l'espionnage, écrit le Center for European Policy Analysis (CEPA).
«La flotte fantôme pose problème»
Les navires prétendument civils sont étonnamment bien équipés : «Nous trouvons par exemple des antennes et des mâts qui n'appartiennent normalement pas à un navire de pêche», explique à ce sujet le contre-amiral Ewa Skooh Haslum à la télévision suédoise. «Il est donc clair que nous avons le sentiment que les activités en mer ont parfois d'autres objectifs».
Le ministre des Affaires étrangères Tobias Billström est encore plus clair : «Il existe un très large consensus sur le fait que la flotte fantôme constitue un problème». Dernièrement, le chef de l'armée suédoise Micael Bydén s'est même exprimé - et a averti que Moscou avait l'île de Gotland en ligne de mire. Située à seulement 245 kilomètres de Kaliningrad, elle est comme un porte-avions dans la mer Baltique - et est donc extrêmement importante pour l'OTAN.
«Il y a eu des moments où nous avons réduit notre présence militaire sur le Gotland à tel point que nous n'y avions plus qu'une troupe de volontaires de la défense intérieure, explique Bydén au RedaktionsNetzwerk Deutschland.Ces temps de paix sont révolus. La guerre en Ukraine a changé la situation politique en Europe et nous avons dû réarmer massivement le Gotland».
«Celui qui contrôle le Gotland contrôle la mer Baltique»
Bydén est certain «que Poutine a même jeté les deux yeux sur le Gotland». La raison: «Celui qui contrôle le Gotland contrôle la mer Baltique». Le Kremlin surveille de près ce qui se passe à l'entrée et à la sortie de la mer Baltique. «Pour Poutine, la mer Baltique est aussi importante qu'il est important pour nous qu'elle reste ouverte et sûre».
La Suède et le Danemark ne sont pas les seuls à s'inquiéter de la flotte fantôme. La Finlande aussi s'inquiète d'une catastrophe écologique lors du transbordement de pétrole dans la mer Baltique - et coopère désormais avec la Grande-Bretagne pour faire respecter le droit maritime, rapporte le "Guardian".
La nervosité des riverains de la mer Baltique est encore attisée par les autorités russes: une proposition du ministère de la Défense à Moscou de repousser unilatéralement les frontières maritimes dans cette mer secondaire a provoqué des remous. Le 22 mai, le texte correspondant a été supprimé du site Internet, rapporte "Reuters".
La Russie retire de nuit les bouées frontalières estoniennes
Il semble que Vladimir Poutine ait délibérément incité l'Occident à agir. Dans la nuit du 23 mai, les gardes-frontières russes ont apparemment retiré 20 bouées estoniennes dans la rivière frontalière Narva, qui marquaient la ligne de navigation.
Le contexte: en 2023, Moscou a critiqué la position d'environ 125 des 250 bouées de Genz comme étant erronée. Aujourd'hui, le Kremlin semble vouloir mettre les points sur les i. «Cette action russe, menée dans l'obscurité de la nuit, s'inscrit dans le cadre plus large du comportement provocateur de la Russie», déclare le ministère des Affaires étrangères à Tallin.
Le Kremlin utilise les frontières pour semer la zizanie, ce dont la Lituanie et la Finlande ont également fait les frais récemment. L'Estonie abordera le thème de «l'incident frontalier provocateur» à Moscou et exigera une explication et la restitution des bouées. Des contacts ont été établis avec les alliés afin de «continuer à contrer les activités malveillantes de la Russie en Europe».
"Poutine": Le film qui va attirer les foudres du Kremlin
Le réalisateur polonais Patryk Vega sortira cet automne "Poutine". Un film, réalisé à l’aide de l’IA, qui retrace la vie du président russe depuis son enfance jusqu'à... sa mort!