Attentat contre Fico La Slovaquie se trouve à un tournant décisif

ATS

17.5.2024 - 07:47

La société slovaque, fortement divisée par des années de dissensions politiques, se trouve à «un tournant» décisif après qu'un tireur isolé a blessé par balles le premier ministre Robert Fico, lui-même un homme de divisions, ont déclaré des analystes à l'AFP jeudi.

Un tireur isolé a blessé par balles le premier ministre Robert Fico.
Un tireur isolé a blessé par balles le premier ministre Robert Fico.
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Keystone-SDA

Hospitalisé dans un état grave, M. Fico a occupé le poste de premier ministre à quatre reprises depuis 2006, la dernière fois à la suite de la victoire électorale de son parti, le Smer-SD, en septembre. Sa rhétorique populiste anti-migrants et, dernièrement, favorable à Moscou, a contribué à diviser son pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'UE et de l'OTAN.

Mais l'attentat a incité les hommes politiques, les médias et la police à appeler à l'apaisement pendant que M. Fico luttait pour sa vie. «C'est un tournant absolu. C'est un moment qui va secouer la société et c'est aussi un grand défi», a déclaré à l'AFP Milan Nic, chercheur principal au conseil allemand des relations extérieures.

«Un travail collectif»

«C'est un défi principalement pour le camp de Robert Fico, qui est à l'origine de la polarisation et de la haine dans la politique», a ajouté l'analyste d'origine slovaque. Cherchant à séduire ses électeurs conservateurs, M. Fico représente un camp à tendance nationaliste qui s'oppose à ses rivaux pro-occidentaux.

Alors qu'il subissait une intervention chirurgicale de cinq heures à la suite de l'attentat de mercredi, les deux camps politiques ont appelé à une trêve. Jeudi, la présidente pro-occidentale Zuzana Caputova a appelé à «sortir du cercle vicieux de la haine».

Elle s'est adressée à la nation au côté de l'allié de M. Fico, le président élu Peter Pellegrini, qui la remplacera à la présidence en juin. Ils ont tous deux appelé les Slovaques à enterrer la hache de guerre.

«Ce qui s'est passé hier est un acte individuel, mais l'atmosphère tendue de haine est le fruit de notre travail collectif», a-t-elle déclaré. M. Pellegrini a quant à lui exhorté les partis politiques à suspendre leur campagne avant les élections européennes de juin afin d'éviter toute nouvelle «confrontation».

Une tendance européenne

Cet homme politique a remporté l'élection présidentielle d'avril contre l'ancien ministre des affaires étrangères Ivan Korcok dans une bataille hautement symbolique des divisions du pays.

Mme Caputova a soutenu M. Korcok, après avoir refusé de se présenter pour un second mandat motivant sa décision par un discours de haine, notamment de la part de M. Fico, et de menaces de mort à son égard.

Selon Robert Klobucky, directeur adjoint de l'institut de sociologie de l'académie slovaque des sciences, les divisions se sont aggravées pendant la pandémie, lorsque les partisans et les adversaires de la vaccination contre le Covid-19 n'ont pas mâché leurs mots à l'égard de leurs opposants sur les médias sociaux.

«Le discours public et politique en Slovaquie est devenu vraiment désagréable à ce moment-là», a-t-il déclaré à l'AFP, ajoutant que les politiciens avaient alors compris que les médias sociaux étaient un outil publicitaire utile.

Les médias sociaux sont un «amplificateur», estime M. Nic, ajoutant que des divisions similaires font partie d'une tendance européenne, les attaques contre les hommes politiques étant de plus en plus fréquentes sur le continent.

«Guerre politique»

En Allemagne, l'ancienne maire de Berlin, Franziska Giffey, a été frappée à la tête dans une bibliothèque au début du mois de mai, tandis que Matthias Ecke, membre du Parlement européen, a subi une intervention chirurgicale à la suite d'une agression survenue alors qu'il collait des affiches électorales.

Un attentat à l'arme à feu contre un premier ministre est cependant sans précédent. Certains hommes politiques de la coalition gouvernementale composée du Smer de M. Fico, du HLAS de M. Pellegrini et du petit parti nationaliste SNS ont tenté de désigner les coupables juste après la fusillade.

Le président du SNS, Andrej Danko, vice-président du Parlement, a imputé l'attaque aux médias et a promis une «guerre politique», appelant l'opposition à «s'éloigner et à respecter les résultats des élections». «C'est votre faute», a déclaré Lubos Blaha, membre du Smer, aux partis d'opposition réunis au Parlement après la fusillade.

Mais la plupart des partis ont appelé à la paix, y compris le ministre de la défense et plus proche allié de M. Fico, Robert Kalinak, qui a demandé instamment de mettre un terme à la confrontation.

«Je suppose que nous ne pouvons pas vraiment faire demi-tour. Mais essayons de nous rapprocher d'une discussion sensée», a-t-il déclaré. «Nous voulons vraiment que tout le monde soit uni et dise non à la haine».


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