Cinquième mandat assuréLe Bangladesh aux urnes pour des législatives sans opposition
beko
6.1.2024 - 14:44
Le Bangladesh vote dimanche pour des législatives assurées d'offrir à la première ministre Sheikh Hasina un cinquième mandat, après un boycott des partis d'opposition décimés par une vague massive d'arrestations.
06.01.2024, 14:44
06.01.2024, 15:33
ATS
Sous la direction du parti de Mme Hasina, la Ligue Awami, le huitième pays le plus peuplé du monde, autrefois en proie à une extrême pauvreté, a connu une croissance accélérée. Mais le gouvernement a également été accusé de violations des droits humains systématiques et d'une répression impitoyable de l'opposition.
La Ligue Amawi n'a pratiquement pas d'adversaires dans les circonscriptions qu'elle brigue. Mais elle a omis de présenter des candidats dans quelques-unes d'entre elles, dans le but apparent d'éviter que le Parlement monocaméral ne soit considéré comme l'instrument d'un parti unique.
Certains électeurs affirment avoir été menacés de confiscation de leurs cartes d'allocations gouvernementales, nécessaires pour obtenir des prestations sociales, s'ils refusaient de voter pour la Ligue Awami. «Ils ont dit que puisque le gouvernement nous nourrit, nous devons voter pour lui», a déclaré à l'AFP une électrice de 64 ans.
Vague d'arrestations
Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), principale force d'opposition, et d'autres partis ont organisé l'an dernier des manifestations afin d'exiger la démission de la première ministre et promouvoir un gouvernement intérimaire neutre pour superviser les élections, sans succès.
Quelque 25'000 cadres de l'opposition, dont l'ensemble des dirigeants locaux du BNP, ont été arrêtés dans une vague de répression qui a suivi, selon le parti. Le gouvernement a pour sa part fait état de 11'000 arrestations.
Quelques centaines de partisans de l'opposition ont défilé dans le centre de Dhaka vendredi, loin des centaines de milliers de personnes qui avaient participé aux rassemblements l'année dernière.
170 millions d'habitants
La scène politique du pays de 170 millions d'habitants a longtemps été dominée par la rivalité entre Sheikh Hasina, la fille du fondateur du pays, et Khaleda Zia, première ministre à deux reprises et épouse d'un ex-dirigeant militaire.
Mme Hasina, 76 ans, domine depuis son retour au pouvoir en 2009, et a renforcé sa mainmise après deux élections entachées d'irrégularités et d'accusations de fraude.
Condamnée pour corruption en 2018, Khaleda Zia, 78 ans, est quant à elle détenue dans un hôpital de la capitale Dacca, en raison de sa mauvaise santé.
Son fils Tarique Rahman dirige le BNP à sa place depuis Londres, où il vit en exil depuis 2008, après plusieurs condamnations dans son pays.
Il a déclaré à l'AFP que son parti, ainsi que des dizaines d'autres, refusait de participer à une élection dont l'issue était «prédéterminée».
Sheikh Hasina a accusé le BNP d'incendies criminels et de sabotage lors des manifestations, pour la plupart pacifiques, lors desquelles plusieurs personnes ont été tuées dans des affrontements avec la police.
Les forces de sécurité du Bangladesh sont depuis longtemps accusées de recours excessif à la force, ce que dément le gouvernement bangladais.
Craintes de violences
Les Etats-Unis, plus grand marché d'exportation du Bangladesh, ont sanctionné une unité d'élite de la police et ses commandants, accusés de nombreuses exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées.
Le succès de sa politique économique a longtemps garanti la popularité de Sheikh Hasina. Mais les difficultés se sont récemment multipliées, avec une hausse des prix de la plupart des produits de base et des pannes d'électricité généralisées en 2022.
Le refus des hausses salariales réclamées par les ouvriers du textile, secteur qui génère 85% des 55 milliards de dollars d'exportations annuelles du pays, a déclenché des troubles sociaux fin 2023, avec des usines incendiées et des centaines d'autres fermées.
Le gouvernement est «moins populaire qu'il y a quelques années, mais les Bangladais ont peu de véritables options dans le bureau de vote», relève Pierre Prakash, de l'International Crisis Group. Ces frustrations pourraient présager de violences politiques par la suite, estime-t-il. «C'est une combinaison potentiellement dangereuse».
Candidate transgenre
Dans cette configuration, une candidate transgenre espère créer la surprise et devenir une des rares voix d'opposition dans un Parlement acquis par avance au pouvoir.
Anwara Islam Rani, 31 ans, pense avoir le soutien suffisant pour battre un ancien ministre, chef d'un parti aux liens anciens avec le gouvernement actuel, après avoir rassemblé les gens par centaines dans ses meetings depuis le début de sa campagne le mois dernier.
«J'ai eu des retours incroyablement positifs de la part des électeurs», a-t-elle déclaré à l'AFP vendredi soir. «Il est possible de gagner si le scrutin est libre et équitable et que les gens peuvent se rendre aux urnes dans une atmosphère pacifique», a-t-elle espéré.
Les femmes transgenre, dénommées «hijra» dans le sous-continent d'Asie du Sud, ont bénéficié d'une reconnaissance légale croissante au Bangladesh au cours de la décennie écoulée et sont officiellement reconnues comme un troisième genre.
Mais les membres de cette communauté continuent de faire souvent face à des discriminations en matière d'emploi, et se battent pour davantage de droits et de reconnaissance, en matière de propriété et de mariage par exemple.