Ça sent la finLe bilan est mitigé pour Merkel à l'aube de tirer sa révérence
ATS
25.6.2021 - 08:15
Gestionnaire de crise hors pair ou absence de vision? L'heure pour Angela Merkel est au bilan sur les questions européennes alors qu'elle participe jeudi et vendredi à son probable ultime sommet de l'UE, et les avis sont partagés.
Keystone-SDA
25.06.2021, 08:15
25.06.2021, 08:24
ATS
L'influence de la chancelière dans les conclaves des dirigeants européens reflète son pédigrée de cheffe de gouvernement à la plus grande longévité dans les démocraties du continent: 16 ans de pouvoir, qu'elle a prévu de quitter après les élections allemandes de fin de septembre.
«Lorsqu'elle commence à parler lors des conseils européens beaucoup de gens autour de la table sont encore en train de consulter leurs téléphones portables. Mais alors ils les reposent tous et nous l'écoutons. Elle a une énorme autorité», estimait tout récemment le Premier ministre néerlandais Mark Rutte.
«Très souvent, lorsque nous sommes dans une impasse dans une négociation, elle avance une idée, parfois juste un mot qu'elle lance dans la salle, et cela permet d'avancer», abondait l'an dernier la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Baraque à frites
Jeudi au Bundestag, même la cheffe de file des écologistes Annalena Baerbock, pourtant dans l'opposition, lui a rendu un vibrant hommage: «de nombreuses personnes dans ce pays vous sont reconnaissantes d'avoir maintenu l'Europe unie depuis 16 ans en période de crise».
Rompue aux interminables nuits de tractations, Angela Merkel a épuisé plus d'un de ses homologues européens à Bruxelles. Elle connaît la capitale belge comme sa poche. Lors d'un sommet en 2016, elle profite ainsi d'une pause pour aller avec des conseillers dans une baraque à frites du quartier européen. La chancelière paie elle-même l'addition. Deux ans plus tard, des touristes éberlués l'aperçoivent en train de savourer une bière sur la Grand-Place de Bruxelles.
Pour autant, son bilan en Europe reste controversé. Sa fermeté lors de la crise de l'euro (2010-2012), lorsque Angela Merkel refusa pendant longtemps de venir en aide aux pays les plus endettés en Europe, comme la Grèce, lui vaut de tenaces inimitiés dans le sud de l'Europe.
Sur la politique migratoire, sa décision d'ouvrir les frontières aux réfugiés en 2015 reste controversée. Ses soutiens saluent son geste humanitaire. «J'ai souvent dit que l'Histoire donnerait raison à Mme Merkel et c'est ce qui s'est passé», disait l'an dernier l'ancien président de l'exécutif européen Jean-Claude Juncker.
D'autres lui reprochent d'être à l'origine d'une «vague» d'immigration qui aurait déstabilisé le continent et nourri le populisme.
Proximité critiquée
En matière internationale, elle se voit reprocher une trop grande proximité tant avec la Russie – avec qui elle a maintenu coûte que coûte le projet de gazoduc Nord Stream II – qu'avec la Chine, nourrie par les intérêts économiques de l'Allemagne. C'est elle qui a poussé l'an dernier à la conclusion d'un accord sur les investissements avec Pékin, qui reste contesté.
Judy Dempsey, analyste de Carnegie Europe, parle d'un bilan «ambigu» et parfois «incohérent» sur ces questions, dans une note parue en début d'année.
Enfin, si tout le monde s'accorde à louer sa gestion de crise, le manque de grands projets d'Angela Merkel en Europe suscite des critiques.
«L'UE est aujourd'hui en moins bon état que lors de l'arrivée au pouvoir de Merkel en 2005», jugeait jeudi le magazine Der Spiegel dans son édition en ligne, en citant «le fossé sur les questions financières entre le Nord et le Sud», le Brexit et la montée des démocraties illibérales. «Pas d'avancée significative en matière d'intégration» européenne et «pas de vision» pour l'avenir, critique-t-il, même s'il reconnaît que tout ne peut lui être imputé.
Angela Merkel a néanmoins pris des risques politiques importants en finissant par se rallier durant la pandémie de Covid-19 à l'idée d'une mutualisation des dettes européennes pour financer un plan de relance. Elle a brisé un tabou dans son pays.
«Elle a dû pas à pas reconnaître que les intérêts allemands étaient imbriqués avec ceux de l'Europe tout entière», décrypte Luuk van Middelaar, historien et ancien haut fonctionnaire européen, auprès de la chaîne allemande ARD.