A l'issue d'un sommet tendu à Bruxelles, les dirigeants européens et Theresa May sont tombés d'accord dans la nuit de mercredi à jeudi pour un report du Brexit pouvant aller jusqu'au 31 octobre. Ils écartent ainsi provisoirement le spectre d'une séparation brutale.
Le compromis est intervenu à la veille du 12 avril, la date butoir pour le retrait britannique décidée au cours d'un précédent sommet, et qui risquait de devenir celle d'un divorce sans accord après plus de 40 ans d'une union tourmentée. Divisés entre les partisans d'un court report menés par la France et les défenseurs d'un délai plus long, les 27 ont mis plusieurs heures pour forger leur proposition, avant de la soumettre vers 01h30 à la Première ministre britannique.
Celle-ci l'a acceptée, même si elle avait plaidé plus tôt pour un report jusqu'au 30 juin seulement. La dirigeante conservatrice a annoncé qu'elle allait s'adresser aux députés britanniques jeudi et la poursuite des discussions avec l'opposition travailliste pour tenter de trouver un compromis à même de rassembler une majorité parlementaire.
«Nous pouvons encore sortir le 22 mai», a insisté Mme May, soulignant qu'il suffisait pour cela que les députés donnent leur feu vert au traité de divorce qu'ils ont déjà rejeté par trois fois.
Macron «assume»
Nous nous sommes «mis d'accord sur une extension flexible jusqu'au 31 octobre, cela signifie six mois de plus pour le Royaume-Uni pour trouver la meilleure solution possible», s'est félicité le président du Conseil européen Donald Tusk. Pendant ces six mois, le Royaume-Uni «peut encore ratifier l'accord de retrait, auquel cas il sera mis fin à la prolongation, a dit M. Tusk. Londres garde aussi la possibilité «d'annuler complètement Brexit», a-t-il ajouté.
A l'issue du sommet, le président français Emmanuel Macron a salué «le meilleur compromis possible», qui a «permis de préserver l'unité des 27». «La butée du 31 octobre nous protège» car c'est «une date clé, avant l'installation d'une nouvelle Commission» européenne, a expliqué M. Macron.
Selon des diplomates européens, plusieurs pays ont critiqué l'intransigeance de la France, hostile au report d'un an pour lequel plaidait une majorité de pays. «Il y a eu des sensibilités différentes», a reconnu M. Macron, disant «assumer» ce «rôle de clarté» et de «fermeté».
Malgré leur lassitude face aux tergiversations de Londres, les responsables européens étaient tous disposés à donner plus de temps aux Britanniques. Mais Paris menait le camp des pays exigeant des conditions «strictes». Ces pays s'inquiètent de la capacité de nuisance que pourrait avoir un Royaume-Uni qui garderait un pied dans l'UE et l'autre dehors pendant une durée indéterminée.
Droits et obligations
Les conclusions du sommet prévoient que le Royaume-Uni devra se comporter «de manière constructive et responsable» pendant la période supplémentaire qui lui a été accordée. Londres devra aussi «s'abstenir de toute mesure susceptible de compromettre la réalisation des objectifs de l'Union».
Un diplomate européen avait notamment suggéré que Londres puisse renoncer à son droit de veto. Le Royaume-Uni gardera «tous ses droits et ses obligations» d'Etats membres, a cependant souligné M. Tusk. Selon une source européenne, Londres «ne désignera pas de commissaire européen mais pourra prendre part à la nomination du nouveau président de la Commission car le vote a lieu à la majorité qualifiée au Conseil».
«Des informations techniques et juridiques apportées par la Commission ont montré que les possibilités pour le Royaume-Uni de prendre en otage les institutions de l'Union sont très réduites. Mais nous devrons rester attentifs», a expliqué le Premier ministre belge Charles Michel.
Point d'étape en juin
L'accord trouvé prévoit également un «point d'étape» lors d'un sommet européen fin juin. «Ce ne sera pas une session de négociation», a prévenu le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. «Le moment crucial de décision sera en octobre», a-t-il ajouté.
Si le Royaume-Uni est encore effectivement membre de l'UE en octobre, cela impliquera que les Britanniques aient participé aux élections européennes fin mai. S'ils ne l'ont pas fait, le Royaume-Uni «devra sortir le 1er juin sans accord», a souligné le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, conformément à ce qui est prévu dans les conclusions du sommet.
Le report convenu dans la nuit de mercredi à jeudi «est aussi flexible que je m'y attendais, et un peu plus court que je ne l'espérais», a déclaré M. Tusk après le sommet. «Mais il reste suffisant pour trouver la meilleure solution possible. S'il vous plaît, ne perdez pas de temps cette fois», a-t-il lancé à l'adresse des Britanniques.
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