Une vie d'ermite Le chef suprême des talibans reste pour l'heure invisible

ATS

29.8.2021 - 09:42

Depuis qu'ils ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, plusieurs dirigeants talibans ont fait leur entrée publique dans Kaboul. Mais l'un d'eux continue à se faire d'une discrétion absolue: leur chef suprême, Haibatullah Akhundzada.

Depuis qu'ils ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, plusieurs dirigeants talibans ont fait leur entrée publique dans Kaboul. Mais l'un d'eux continue à se faire d'une discrétion absolue: leur chef suprême, Haibatullah Akhundzada.
Depuis qu'ils ont pris le pouvoir en Afghanistan le 15 août, plusieurs dirigeants talibans ont fait leur entrée publique dans Kaboul. Mais l'un d'eux continue à se faire d'une discrétion absolue: leur chef suprême, Haibatullah Akhundzada.
Keystone

Ce mollah spécialiste des questions judiciaires et religieuses est sorti de l'anonymat en mai 2016 pour prendre la tête du mouvement islamiste, qui était alors en proie à des luttes intestines. Il a été nommé quelques jours après la mort de son prédécesseur, Mansour, tué par une frappe de drone américain au Pakistan, avec pour principal objectif de réunifier les talibans.

Ceux-ci s'étaient fracturés dans une violente lutte pour le pouvoir après la mort du mollah Mansour et la révélation du fait qu'ils avaient caché pendant des années celle de leur fondateur, le mollah Omar.

On connaît peu de choses sur le rôle au quotidien d'Haibatullah Akhundzada, dont la communication se limite à de rares messages annuels à l'occasion des fêtes islamiques. Pour plusieurs analystes, il est plus symbolique qu'opérationnel.

Fils d'un théologien

Les talibans n'ont diffusé qu'une seule et unique photographie de lui. Il n'a jamais fait d'apparition publique et on ignore où il se trouve.

Fils d'un théologien, originaire de Kandahar, coeur du pays pachtoune dans le sud de l'Afghanistan et berceau des talibans, cet érudit jouissait déjà avant même sa nomination à leur tête d'une grande influence en leur sein. Il dirigeait leur système judiciaire.

Depuis qu'ils ont repris le pouvoir en Afghanistan il y a deux semaines, 20 ans après en avoir été chassés par une coalition menée par les États-Unis, les talibans ont gardé un silence total sur ses activités et ses déplacements récents.

«Vous le verrez bientôt, si Dieu le veut», s'est contenté d'assurer cette semaine à la presse leur principal porte-parole, Zabihullah Mujahid. Par contraste, les chefs de diverses factions talibanes sont apparus publiquement à Kaboul ces derniers jours, prêchant dans des mosquées, discutant avec des figures de l'opposition ou même rencontrant des représentants de la fédération de cricket.

Une vie d'ermite

Les talibans ont depuis toujours l'habitude de laisser leur chef suprême dans l'ombre. Le fondateur du groupe, le mollah Omar, menait une vie d'ermite et allait rarement dans la capitale afghane Kaboul, du temps où le mouvement était au pouvoir dans les années 1990.

Il préférait rester caché à son domicile de Kandahar et ne rencontrait qu'avec réticence les dignitaires qui lui rendaient visite. Mais sa parole était sacrée et aucun de ses successeurs n'a inspiré le même respect au sein du mouvement.

Selon Laurel Miller, la cheffe du programme Asie de l'International Crisis Group, Haibatullah Akhundzada «semble avoir adopté un mode de vie similaire de reclus». Mais cette discrétion pourrait aussi être dictée par des raisons de sécurité, pour éviter qu'il ne connaisse le sort de son prédécesseur Mansour, observe pour l'AFP Mme Miller.

«Un porte-parole des talibans a indiqué que leur chef apparaîtrait bientôt et il pourrait avoir des raisons de le faire pour faire taire les rumeurs sur sa mort», ajoute-t-elle toutefois.

Equilibre entre les factions

«Mais il est aussi possible qu'après s'être montré, il se retire à nouveau et exerce son autorité de manière isolée, comme le faisait le mollah Omar», considère-t-elle également.

Depuis des années, des bruits courent en Afghanistan et au Pakistan sur le sort d'Haibatullah Akhundzada qui, à les croire, pourrait avoir contracté le Covid-19 ou encore avoir été tué dans un bombardement.

Ces rumeurs n'ont jamais été étayées par aucun élément concret. Mais le mutisme de leur chef ne peut qu'interpeller à un moment aussi crucial pour les talibans, qui vont maintenant devoir démontrer qu'ils sont capables de gouverner.

Le mouvement taliban est composé d'une multitude de factions originaires de divers endroits en Afghanistan et représentant des gens aux aspirations différentes. Quand la nouvelle de la mort du mollah Omar a été divulguée en 2015, elle a déclenché une brève lutte pour le pouvoir au sein du groupe et débouché sur la scission d'au moins une faction majeure.

Pour d'autres analystes toutefois, le nouvel homme fort des talibans attend simplement pour se montrer que toutes les troupes américaines et étrangères aient quitté l'Afghanistan, ce qui sera effectif le 31 août. «Les talibans considèrent qu'ils mènent le djihad» aussi longtemps que des forces étrangères sont sur le sol afghan, commente l'analyste sur les questions sécuritaires pakistanais Imtiaz Gul. «C'est pourquoi leur chef suprême n'apparaît pas».