Brexit Le divorce vire au contentieux entre Londres et Bruxelles

ATS

16.3.2021 - 07:07

Moins de trois mois après avoir été prononcé, le divorce entre le Royaume-Uni et l'UE tourne à la bataille juridique: Bruxelles a déclenché lundi des procédures de contentieux sur les contrôles douaniers en Irlande du Nord.

«C'est la seconde fois en six mois que le gouvernement britannique s'apprête à violer le droit international», affirme un responsable européen.
«C'est la seconde fois en six mois que le gouvernement britannique s'apprête à violer le droit international», affirme un responsable européen.
POOL/AFP

L'exécutif européen a envoyé lundi «une lettre de mise en demeure» à Londres pour violation du protocole spécifique à l'île d'Irlande, contenu dans le traité de retrait signé fin 2019.

En cause: l'annonce le 3 mars par le gouvernement britannique d'un report de six mois -jusqu'au 1er octobre- de certains contrôles sur l'arrivée de marchandises en Irlande du Nord depuis l'île de Grande-Bretagne.

Première étape

Ce protocole est destiné à protéger le marché unique européen tout en évitant le retour d'une frontière et de contrôles douaniers sur l'île même, partagée entre d'un côté la République d'Irlande, membre de l'UE, et de l'autre le territoire britannique d'Irlande du Nord.

L'envoi de cette lettre constitue la première étape d'une «procédure d'infraction», qui peut se terminer à l'issue d'un long processus devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), susceptible d'infliger des amendes ou des astreintes.

Bruxelles a donné un mois au Royaume-Uni pour transmettre ses observations. Le vice-président de la Commission, Maros Sefcovic, a par ailleurs adressé une «lettre politique» à David Frost, chargé des relations avec Bruxelles au sein du gouvernement britannique, appelant le Royaume-Uni à revenir sur cette annonce.

Confiance ébranlée

Cette missive dénonce le non-respect de l'obligation de bonne foi prévue par le traité de retrait. M. Sefcovic demande à Londres d'engager des consultations bilatérales avec Bruxelles «avec l'objectif de trouver une solution mutuellement acceptée d'ici à la fin du mois».

«L'UE et le Royaume-Uni ont convenu du protocole (spécifique à l'Irlande du Nord) ensemble. Nous sommes tenus de le mettre en œuvre ensemble. Les décisions unilatérales et les violations du droit international par le Royaume-Uni vont à l'encontre de l'objectif même (du protocole) et sapent la confiance entre nous», a déclaré M. Sefcovic.

Londres assure de son côté n'avoir violé aucune règle. «Les mesures que nous avons prises sont des mesures temporaires et opérationnelles destinées à minimiser les perturbations en Irlande du Nord et à protéger la vie quotidienne des personnes qui y vivent. Elles sont légales et font partie d'une mise en œuvre progressive et de bonne foi du protocole d'Irlande du Nord», a réagi un porte-parole du gouvernement de Boris Johnson.

Exaspération à Bruxelles

La province britannique constitue depuis des années un point d'achoppement majeur du Brexit. Viscéralement attachés à la couronne britannique, les unionistes d'Irlande du Nord demandent la suppression pure et simple du protocole, dénonçant l'établissement d'une frontière au sein même du Royaume-Uni.

«C'est la seconde fois en six mois que le gouvernement britannique s'apprête à violer le droit international», affirme un responsable européen. L'an dernier, le gouvernement de Boris Johnson avait en effet menacé de voter un projet de loi bafouant le protocole sur l'Irlande du Nord, avant de faire marche arrière face aux protestations.

La procédure lancée lundi «n'est pas la bienvenue, mais l'approche du gouvernement britannique ne laisse aucune alternative à l'UE. Changer unilatéralement la façon dont le protocole est mis en œuvre est une violation de l'accord», a commenté le ministre irlandais des Affaires étrangères Simon Coveney.

Signe de l'exaspération qui monte à Bruxelles, le Parlement européen avait renoncé jeudi à fixer une date pour la ratification de l'accord commercial post-Brexit.

«Si le Royaume-Uni ne respecte pas l'accord précédent (le traité de retrait), quel est le sens de ratifier celui qui est sur la table?», avait déclaré à l'AFP le co-président du groupe des Verts au Parlement européen, Philippe Lamberts.