Kenya L'élection du président débute sur fond de flambée du coût de la vie

ATS

9.8.2022 - 12:01

Les Kényans ont afflué dès l'aube dans les bureaux de vote pour élire mardi un nouveau président. Mais aussi des députés et élus locaux lors de scrutins à forts enjeux pour la locomotive économique d'Afrique de l'Est, frappée par une flambée du coût de la vie.

Depuis le centre financier jusqu'à des bidonvilles de Nairobi, ainsi que dans plusieurs régions du pays, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, qui ouvraient à 06h00.
Depuis le centre financier jusqu'à des bidonvilles de Nairobi, ainsi que dans plusieurs régions du pays, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, qui ouvraient à 06h00.
ATS

Les 22,1 millions d'électeurs doivent voter six fois pour déterminer l'avenir politique de ce pays considéré comme un îlot démocratique dans une région instable, mais qui fut aussi le théâtre de graves violences il y a quinze ans.

Le duel s'annonce serré entre les deux principaux candidats à la présidence, des figures du paysage politique. Raila Odinga, 77 ans, vétéran de l'opposition soutenu par le pouvoir, affronte William Ruto, 55 ans, vice-président.

Longues files d'attente

Depuis le centre financier jusqu'à des bidonvilles de Nairobi, ainsi que dans plusieurs régions du pays, de longues files d'attente se sont formées devant les bureaux de vote, qui ouvraient à 06h00.

Le scrutin se déroulait majoritairement dans le calme en cette journée déclarée fériée. Raila Odinga a voté en milieu de matinée dans le bidonville de Kibera, à Nairobi, un autre de ses fiefs, tandis que son adversaire a glissé son bulletin peu après l'ouverture des bureaux dans le village de Kosachei, près d'Eldoret, au coeur de sa natale vallée du Rift.

Nouvelle ère

Si aucun des deux adversaires, qui se connaissent bien pour avoir été alliés dans le passé, n'obtient mardi plus de 50% des voix, le Kenya connaîtra pour la toute première fois un second tour dans une élection présidentielle.

Quelle que soit l'issue, le nouveau président marquera l'histoire en n'appartenant pas à la communauté kikuyu, la première du pays, qui contrôle le sommet de l'Etat depuis vingt ans et dont est issu le sortant Uhuru Kenyatta – que la Constitution empêchait de se représenter après deux mandats.

M. Odinga, allié à M. Kenyatta depuis un pacte surprise en 2018, est un Luo tandis que M. Ruto est un Kalenjin – deux autres importantes communautés.

Coût de la vie

Dans ce pays historiquement marqué par le vote tribal, certains experts estiment que ce facteur pourrait s'estomper cette année face aux enjeux économiques, tant la flambée du coût de la vie domine les esprits des quelque 50 millions d'habitants.

La pandémie, puis la guerre en Ukraine ainsi qu'une sécheresse record, ont durement touché ce poids lourd du continent, qui malgré une croissance dynamique (7,5% en 2021) reste très corrompu et inégalitaire.

«Nous souffrons tellement à cause de l'inflation. Actuellement, nous ne pouvons même pas cuisiner notre aliment de base qui est l'ugali parce qu'il n'y a pas de farine de maïs dans les supermarchés», a déclaré Alice Waithera, assistante sociale de 56 ans et électrice dans le centre financier de Nairobi.

William Ruto, qui s'érige en défenseur des «débrouillards», a martelé son ambition de «réduire le coût de la vie». M. Odinga a lui promis de faire du Kenya «une économie dynamique et mondiale», composée d'une seule «grande tribu».

Spectre des violences

Historiquement, la composante ethnique a nourri les conflits électoraux, comme en 2007-2008 quand la contestation des résultats par M. Odinga avait conduit à des affrontements inter-communautaires faisant plus de 1100 morts. Quinze ans ont passé depuis ces violences mais leur spectre continue de planer.

En 2017, des dizaines de personnes étaient mortes dans la répression de manifestations, après une nouvelle contestation par M. Odinga des résultats du vote – finalement annulé par la Cour suprême dans une décision historique.

Excepté un impressionnant flux de désinformation sur les réseaux sociaux, la campagne fut globalement paisible. Quelque 150'000 officiers doivent cependant être déployés à travers le pays.

Mardi matin, quelques rares cas de perturbations liées à l'usage des kits biométriques d'identification des électeurs ont été signalées notamment à Nairobi.

Selon des sources diplomatiques, la rapidité dans la publication des résultats constitue un enjeu capital. La Commission électorale a jusqu'au 16 août pour les déclarer. Les quelque 46'000 bureaux de vote devaient fermer à 17h00 (16h00 heure suisse).