Le pape François a dénoncé dimanche «l'avidité des nouveaux colonialismes» et déploré des incendies allumés «par des intérêts qui détruisent», en ouvrant un synode dédié à l'Amazonie. Le synode réunit durant trois semaines au Vatican quelque 184 évêques.
Parmi eux en figurent 113 venant de la région panamazonienne, à cheval sur neuf pays, dont surtout le Brésil. Ce pays abrite 60% de la plus grande forêt tropicale de la planète, dévastée cet été par des incendies très majoritairement volontaires visant à faire de la place à l'élevage bovin et aux cultures. Ces incendies ont soulevé un tollé international et envenimé les relations avec le président Jair Bolsonaro, qui accuse certains pays d'attitude «coloniale».
Des représentants des peuples et ethnies indigènes, parés de coiffes colorées à plumes, ont découvert dimanche la Basilique Saint-Pierre pour la messe inaugurale du synode, dont les débats débuteront lundi. «Aidez-nous à défendre notre terre mère, nous n'avons pas d'autre habitation!«, implorait la soeur missionnaire indigène Laura Vicuña, quelques heures avant l'ouverture du synode, auquel assistent une vingtaine de représentants des communautés autochtones.
Cette missionnaire qui lutte au péril de sa vie pour la défense des territoires des Caripuna en Amazonie brésilienne, est venue symboliquement à Rome avec de la terre. «Terre, eau, forêt, sans ces trois éléments personne ne peut rien faire», a-t-elle expliqué.
«Destruction des terres indigènes»
La frêle jeune femme a parcouru 150 kilomètres à travers la région des Caripuna pour documenter et dénoncer l'amputation de leurs terres. «Les images satellite montrent une route qui va droit vers les terres indigènes», décrit-elle, avant de fondre en larmes en expliquant la terreur ressentie face aux «menaces de mort du crime organisé» qui l'obligent souvent à se cacher.
«Nous demandons de l'aide au monde entier car nous sommes très inquiets de la nouvelle politique d'exploration minière de l'Amazonie», confie José Luiz Cassupá, un indigène de l'Etat de Rondônia au Brésil, venu à Rome avec sa coiffe de plumes bleues indigo. Dénonçant «la destruction des terres indigènes», il se plaint d'un gouvernement brésilien «qui n'a pas tenu sa parole». «Après avoir péniblement obtenu un minuscule bout de terre pour survivre, les indigènes finissent pas en être chassés», déplore-t-il.
Dimanche, le pape argentin leur a offert son soutien de figure morale internationale en condamnant les incendies «allumés par des intérêts qui détruisent, comme celui qui a récemment dévasté l'Amazonie». Ce type de feu «dévastateur» vise notamment à «brûler les diversités pour uniformiser tous et tout», a-t-il martelé dans une homélie.
Président brésilien fâché
Regrettant que l'Eglise ait souvent participé dans le passé à la «colonisation» à travers une évangélisation «imposée», il a mis en garde contre «l'avidité des nouveaux colonialismes» en présence. Le document de travail du synode, fruit notamment d'une vaste consultation locale en Amazonie, dénonce les injustices sociales voire les assassinats de la région, tout en traçant l'action future de l'Eglise catholique qui perd du terrain en raison d'une pénurie de prêtres.
La démarche insupporte le président brésilien climatosceptique Jair Bolsonaro, qui avait déclaré en août à un média local que les services du renseignement brésilien surveilleraient le synode. Dans ce contexte hostile, le cardinal brésilien Claudio Hummes, président du Réseau ecclésial pan-amazonien (REPAM) et rapporteur du synode, a répété que l'Eglise respectait «la souveraineté nationale» du Brésil.
Si les questions socio-économiques et environnementales auront une large place au synode, les évêques débattront aussi de propositions novatrices mais controversées comme la possibilité d'ordonner prêtres des hommes mariés d'âge mur préférablement autochtones et de trouver des types de ministères pour les femmes.
Des questions explosives qui resteront à l'état d'avis donnés au pape, qui rédigera son propre texte après le synode. François a appelé dimanche les évêques à être ouverts au changement, afin que le synode «renouvelle les chemins de l'Eglise en Amazonie».
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