Le Parquet russe s'est dit lundi favorable à l'emprisonnement d'Alexeï Navalny, à la veille d'une audience lors de laquelle l'opposant risque deux à trois ans de détention et au lendemain de la répression de manifestations en sa faveur.
Cette répression a entraîné des condamnations occidentales, Paris appelant Berlin à abandonner un important projet de gazoduc avec la Russie en guise de sanction.
Dans un communiqué, le Parquet a jugé «légale et justifiée» la demande des services pénitentiaires russes (FSIN). Ces derniers veulent révoquer le sursis du principal détracteur du Kremlin pour violation de son contrôle judiciaire dans le cadre d'une affaire remontant à 2014.
Cette déclaration témoigne de la détermination des autorités, malgré les manifestations organisées dimanche pour le second week-end consécutif dans plus d'une centaine de villes de Russie pour réclamer sa libération.
Selon l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi des manifestations, 5611 manifestants ont été arrêtés à travers le pays, un record, d'après cette source, dans l'histoire récente de la Russie.
Parmi eux, plus de 1800 ont été interpellés à Moscou où les manifestants et les policiers ont joué toute la journée au chat et à la souris à travers la ville, dont la majeure partie du centre avait été bouclée, métro compris.
Plus de 1300 arrestations ont également été recensées dans la deuxième agglomération du pays, Saint-Pétersbourg.
«Répression accélérée»
«On est face à une accélération des répressions politiques», a affirmé à l'AFP Léonid Drabkine, coordinateur d'OVD-Info.
Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a lui jugé la réponse policière justifiée et dénoncé la participation «d'un assez grand nombre de voyous et de provocateurs plus ou moins agressifs» à l'égard de la police.
Ennemi juré du pouvoir, Alexeï Navalny a été emprisonné à son retour en Russie le 17 janvier, après une convalescence de plusieurs mois en Allemagne pour un empoisonnement dont il accuse le président Vladimir Poutine.
Motif de l'arrestation, la violation, selon les autorités, des conditions d'une peine de prison de trois ans et demi avec sursis prononcée en 2014 et qui pourrait être transformée en sentence ferme.
M. Navalny doit comparaître mardi et risque près de deux ans et demi de détention, l'opposant ayant déjà effectué, assigné à résidence, une partie de la peine. Ses partisans sont appelés à se rassembler devant le tribunal.
Gazoduc controversé
L'opposant de 44 ans est la cible de multiples procédures judiciaires. Vendredi, il doit comparaître pour «diffamation» envers un ancien combattant. Il est aussi mis en cause dans une enquête pour escroquerie, crime passible de dix ans de prison.
Parallèlement, plusieurs de ses alliés et collaborateurs ont été assignés à résidence, incarcérés ou poursuivis en justice ces dernières semaines. Certains risquent la prison pour la violation «des normes sanitaires» anti-coronavirus en organisant des manifestations.
Les condamnations occidentales ont été unanimes. Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a regretté des «tactiques brutales» et le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, a «déploré les interpellations massives».
M. Borrell souhaite rencontrer Alexeï Navalny lors de sa visite prévue à Moscou du 4 au 6 février, a annoncé lundi le porte-parole du diplomate.
Le secrétaire d'Etat français aux Affaires européennes, Clément Beaune, a lui laissé entendre que de nouvelles sanctions de l'UE contre Moscou pourraient être sur la table, estimant que l'Allemagne devait abandonner le projet de gazoduc Nord Stream 2 la reliant à la Russie.
Malgré cet appel de Paris, la porte-parole du gouvernement allemand a défendu lundi la réalisation de ce projet controversé, indiquant que Berlin n'avait pas modifié «sa position de base» sur le sujet.