ThaïlandeLe parti de la junte en tête en Thaïlande
ATS
24.3.2019 - 16:40
Le parti de la junte au pouvoir en Thaïlande est arrivé dimanche soir en tête du vote populaire aux premières législatives organisées depuis le coup d'État de 2014. Ce résultat donne de bonnes chances aux généraux de garder la main sur le gouvernement.
Selon des résultats préliminaires, sur la base de 90% des bulletins de vote dépouillés, plus de 7,3 millions d'électeurs thaïlandais (sur un total de quelque 50 millions) ont voté pour le parti de la junte, le Palang Pracharat, selon la commission électorale. Arrive derrière lui, avec 6,8 millions d'électeurs, le plus grand parti d'opposition, le Pheu Thai.
Mais le nombre de sièges obtenus par chaque parti ne sera révélé que lundi matin, le vote populaire ne donnant qu'une tendance générale. Les 500 sièges de députés sont attribués en vertu d'un système électoral complexe.
A première vue, cela ressemble à un revers pour le Pheu Thai. Le parti de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra avait jusqu'ici remporté toutes les élections nationales depuis près de vingt ans.
«Irrégularités mineures»
Mais par le jeu des alliances entre partis, tout peut encore arriver: la surprise de ce scrutin est le bon résultat du nouveau parti d'opposition Future Forward, populaire auprès des jeunes, avec plus de 5 millions de suffrages.
Son fondateur, le milliardaire quadragénaire Thanathorn Juangroongruangkit, pourrait se retrouver à jouer un rôle clef. «Nous ne savons pas encore avec quel parti nous allons faire alliance», a-t-il déclaré dimanche soir, assurant que ses observateurs n'avaient relevé que «des irrégularités mineures».
Depuis des années, la Thaïlande est profondément divisée entre des factions favorables à la famille influente des Shinawatra (les «rouges») et une élite conservatrice alignée sur l'armée (les «jaunes») qui se présente comme un gage de stabilité et de protection de la monarchie.
Le vieux parti Démocrate (conservateur n'ayant pas prêté allégeance à la junte) n'a réuni qu'un peu plus de trois millions des suffrages. Son chef, l'ex-Premier ministre Abhisit Vejjajiva, a démissionné.
«Empêcher de semer le chaos»
Samedi soir, le roi de Thaïlande, Maha Vajiralongkorn, dont les interventions publiques sont rarissimes, a appelé à «soutenir les bonnes personnes» pour «empêcher de semer le chaos». Il reprenait des termes employés en 1969 par son père Bhumibol Adulyadej, adoré des Thaïlandais et décédé en 2016.
Le message cryptique de Rama X, dont l'influence dans le royaume va bien au-delà de son statut de monarque constitutionnel, a été diffusé à plusieurs reprises par les chaînes de télévision jusqu'à l'ouverture des bureaux de vote. Les électeurs se sont rendus en nombre dans les temples, écoles ou administrations pour voter.
«Depuis cinq ans, nous n'avons pas eu la possibilité de décider par nous-mêmes (...). Ce moment est très important pour notre pays», a relevé Wasa Anupant, un médecin de 28 ans.
Sénat contrôlé par l'armée
De nouvelles règles électorales limitent les chances de voir un seul parti acquérir à lui seul une majorité parlementaire confortable, d'après des observateurs qui craignent «une impasse» politique. Mais les généraux, qui ont mis en place des politiques de subventions aux agriculteurs et aux plus âgés pour s'attirer leurs voix, entendent bien conserver le pouvoir.
Prayut Chan-O-Cha, chef de la junte, s'est aménagé un avantage confortable avec une Constitution, adoptée en 2016, qui donne aux militaires le pouvoir de nommer les 250 membres du Sénat. Il suffit donc au Phalang Pracharat, le parti pro-junte, d'obtenir 126 sièges sur les 500 que compte la Chambre des représentants pour garder le contrôle du pays.
Les autres mouvements politiques, au premier rang desquels le principal parti d'opposition le Pheu Thai, devront quant à eux gagner 376 sièges pour pouvoir former un gouvernement.
Populaires dans les régions rurales et pauvres peuplées du nord et du nord-est, les partis «rouges» ont remporté toutes les élections depuis 2001, mais ils sont privés sur le terrain de leurs figures emblématiques: Thaksin Shinawatra et sa soeur Yingluck, évincés par des coups d'Etat en 2006 et 2014, vivent en exil pour échapper à des poursuites qu'ils jugent politiques.
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